Haïm Korsia : politique

Transcription de la vidéo

L’action politique fait partie de vos missions. Comment s’articulent éthique et vie politique ?

Pire que la banque, ce n’est pas la politique en fait. Ce ne sont pas les politiques qui ont fait sombrer l’économie mondiale, c’est la banque, c’est l’avidité de certains banquiers, c’est les yeux fermés, comme le dit Chanteclerc dans Le Roman de Renart : « Maudits soient les yeux fermés ! » C’est le fait d’avoir fermé les yeux sur tant et tant de choses, et fermer les yeux c’est tout le monde, toute une société ferme les yeux. Donc jeter l’opprobre sur une catégorie de personnel, le personnel politique, c’est très injuste. Quand j’entends jeter l’opprobre sur les curés, c’est très injuste ; quand j’entends jeter l’opprobre sur les rabbins c’est très injuste, sur les politiques c’est très injuste. Telle ou telle catégorie. Non ! La politique c’est aussi faire fonctionner une autre forme d’éthique, mais c’est tellement compliqué, parce que les enjeux c’est la réélection ou pas. On connaît des gens qui ont préféré abdiquer, abandonner plutôt que de trahir leur éthique. Pourquoi Mendès-France reste dans notre conscience collective, alors qu’il a dû rester sept ou huit mois, je crois huit mois à la tête de la France ? Parce qu’il a fait le choix de fermer des guerres. C’est-à-dire d’abdiquer l’idée impériale de la France, de dire « maintenant on se pense différemment ». Il a eu le courage et l’honnêteté de dire « J’arrête, je refuse les compromissions, j’arrête ! » Et ce fait-là nous le rend formidable. Donc la réalité n’est pas ce qu’on fait, mais quel idéal on projette. Donc tant que les politiques projetteront l’idéal qui n’est pas le cynisme, qui est l’inverse même du cynisme, alors il y a encore quelque chose de grand et de magique dans l’engagement politique.

Concrètement, vous concernant... ?

La question est valable pour tous les milieux, pas que le milieu politique. La réponse est simple : il faut dire ce en quoi on croit. Il faut le dire ! Alors ça peut être compliqué, mais ils attendent d’ailleurs de nous (nous, c’est-à-dire les curés, les pasteurs, les imams, les rabbins, les moines, les popes orthodoxes), ils attendent de nous qu’on parle, qu’on s’engage dans la société. Je pense par exemple au remarquable travail fait par Jean Léonetti et Claeys sur deux lois distinctes sur la fin de vie. Ils ont entendu les religieux, ils n’ont pas fait tout ce qu’on voulait, mais ils ont entendu notre voix, avec d’autres voix, pour construire une pensée collective intelligente, qui nous élève, chacun, chacune. Chacun pouvait dire une partie de ce que j’ai dit qui a été retenue et entendue. C’est une création intelligente d’éthique collective, qui n’est pas arrivée à un minimum commun, mais qui est une élévation de tous.

Ce qu’il faut c’est beaucoup d’honnêteté. C’est valable en gros partout, y compris dans la vie privée. Dans la vie privée, si vous ne dites pas les choses honnêtement vous êtes carbonisé très rapidement, quel que soit le type de lien.

Entretien réalisé le 4 octobre 2018

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