Haïm Korsia – éthique au féminin

Transcription de la vidéo

Est-ce que vous pensez qu’il y a des différences d’approche des questions d’éthique entre les hommes et les femmes ?

Je pourrais vous répondre « non », parce que c’est bien de répondre « non, il n’y a pas de différence ». La réalité c’est qu’il y en a une, il y en a plusieurs mais il y en a une en tous cas évidente, c’est que les hommes dans la Bible, dans le judaïsme, sont tenus à accomplir des commandements ; les femmes en sont dispensées pour les commandements positifs liés au temps. Comme si un commandement, une règle qui s’applique, c’est quelque chose qui manque dans le temps. Mais comme les femmes ont en elle ce rapport permanent au temps, elles n’ont pas besoin d’appliquer ces lois. De là je pense qu’on peut déduire qu’il y a un sentiment de plus grand lien avec certaines réalités du monde, qu’on nie, ou qui sont sociales. C’est simple : par exemple, Freud explique que c’est la femme, la maman, qui désigne le père. Alors maintenant on pourra vous dire les tests ADN…, mais enfin oublions les tests ADN quelques instants. La mère est évidente, mais c’est la mère qui désigne le père. Elle dit à l’enfant : « Voilà ton père ! » ou « c’est lui ton père ». Ne serait-ce que cette évidence du lien crée quelque chose qui est d’un autre ordre ; pas mieux, pas moins bien, différent.

Et on le voit avec une étude de 1989, qui s’appelle la sémiométrie. Elle consistait à créer un champ sémantique et à voir les mots survalorisés par les femmes et survalorisés par les hommes. C’est même étonnant ; il y a une vraie distinction. Les hommes survalorisaient fusil, mathématiques, or, etc. Les femmes survalorisaient coton, théâtre. Une forme de douceur qui devrait s’appliquer au monde.

Ce qui fait que dans les traditions on a toujours eu du mal à imaginer par exemple les femmes guerrières. D’ailleurs ce sur quoi Jeanne d’Arc a été tuée, assassinée, exécutée, brûlée par l’évêque Cochon, c’est relâche, récidive du fait de porter des habits d’homme, alors que les minutes du procès montrent que les gardiens la harcelaient en prison et que la seule façon qu’elle a eu de se protéger, c’est de mettre des habits d’homme. Mais ça, l’évêque Cochon n’en voulait pas ; c’était l’idée qu’il est impossible qu’une femme soit guerrière : une sorte d’incompatibilité. Alors que moi je fais partie d’une génération, où notre grande fierté, dans l’armée de l’air, par exemple, c’est d’avoir eu Caroline Aigle, une fille formidable, première pilote de chasse. On est maintenant à mettre des femmes dans les sous-marins. Pas parce que c’est une victoire : « Bravo, les femmes font la guerre aussi, comme ça tout le monde a les mains dans le cambouis ! » Non ! Parce que l’éthique particulière, disons l’humanité particulière, ou la part d’humanité particulière que portent les femmes doit aussi s’appliquer à une recherche de paix par l’intermédiaire de la guerre. C’est-à-dire que si on arrive à partager la charge de l’humanité dans tous ses aspects, alors on devient collectivement plus intelligent.

Donc, premièrement, votre question était biaisée parce que « homme-femme ». En réalité chaque individu, quel qu’il soit, a forcément une éthique différente. Je pense par ailleurs que les hommes et les femmes ont une façon d’appréhender le monde différente, mais complémentaire. Non hiérarchisée, complémentaire.

Entretien réalisé le 4 octobre 2018

 

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