Serge Lama – mystique

Transcription de la vidéo

Aujourd’hui, votre éthique est-elle d’inspiration sociale ou spirituelle ?

Avec l’âge je suis devenu mystique. Je l’étais déjà, parce que j’ai toujours dit très jeune que j’avais la tentation du monastère. Ma vie a fait que je ne suis pas dans un monastère, mais c’est tout comme. C’est quelque chose de très profond. Je crois dans une force. Je ne vais pas reprendre les mots de Mitterrand « Je crois dans les forces de l’esprit », parce qu’il s’y est pris très tard, mais c’est vrai qu’il y a des choses… Marcel, notamment, qui était voyant, et qui m’a raconté ma vie. Il m’a raconté ma vie, Marcel, à quatorze ans, il m’a raconté ma vie. Donc je me dis : « C’est quand même bizarre que ce soit possible ! » Et bien sûr, comme il était voyant, il y avait d’autres voyants qui venaient qui étaient des copines ou des copains à lui, et donc j’ai vécu dans ce monde un peu bizarre pour la plupart des gens, et il y a quand même quelque chose en moi qui s’est allumé, et qui s’est éteint un peu, un peu, c’était au fond, c’était dans un foyer. 10.55  Mais pendant ma grande réussite des années 70-80, qui a été tellement forte qu’elle a emporté tout avec elle sur son passage, comme une armée emporte tout sur son passage – c’est ça la gloire, quelque part. Et c’est d’ailleurs terrible, la gloire. C’est une chose qui est assez épouvantable. Ce n’est pas qu’une chose positive. Il faut savoir la gérer. Donc au fond de moi une petite flamme a continué à briller, et d’ailleurs j’ai écrit, vers les années 90, je crois, une chanson qui s’appelait Femme adieu et qui disait : « Femme adieu, je suis tout à Dieu ». Et cela disait exactement ce que j’ai au fond de moi et que je n’arrive pas à exprimer. Ce n’est pas la religion catholique, ce n’est pas…, c’est une chose que je ressens.  

Votre écriture s’appuie-t-elle sur cette inspiration mystique ?

Certainement. J’ai changé mon écriture à partir de la fin des années 90. Vers 2000-2005, tous les disques que j’ai sortis ont été des disques dont l’écriture des textes était différente. Il y avait des choses plus lourdes, plus profondes, moins en surface que quand j’étais jeune, même si quand j’étais jeune j’ai quand même écrit Je suis malade, qui reste une chanson majeure, dont le texte est lourd et fort. Mais disons qu’après c’est devenu plus régulier. Bien sûr les gens connaissent moins ces disques que ceux de mes années florissantes, « les années Carpentier », comme on pourrait les appeler, mais ceux qui sont les vrais fans les connaissent et les aiment. D’abord je chante moins fort, je fais plus dans l’interprétation, dans le détail, je m’appuie sur l’auteur que je suis et je le laisse parler. Je ne laisse pas le chanteur prendre le pouvoir. Alors que dans les années 80, 70 c’était la folie, c’était le chanteur qui avait tous les droits. Alors je lui ai enlevé ces droits qu’il s’était octroyés à la fin des années 90 et je lui ai dit : « Maintenant tu vas te taire et tu vas laisser la place à quelqu’un d’autre !». Et ce quelqu’un d’autre il est comme ce que je vous ai dit. 

Lors des spectacles, sentez-vous également un lien qui vous relie à une transcendance ?

Il y a parfois une forme de transcendance. Tous les artistes vous le diront, d’ailleurs, même ceux qui ne se revendiquent pas « mystiques ». Il y a une forme de transcendance. Certains soirs on a l’impression qu’on est littéralement ailleurs, qu’on est dans un autre monde et c’est d’ailleurs merveilleux, parce que c’est un monde qu’on voudrait ne pas quitter, et qu’il faut redescendre sur terre. C’est cette quête qu’il faut avoir tous les soirs. Même si ça n’arrive pas à l’état de grâce tous les soirs, cette quête-là de la grâce il faut l’avoir tous les soirs. C’est ça que je veux dire et c’est une forme d’éthique pour moi.  

Entretien réalisé le 19 juillet 2018

 

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