Marie-France Hirigoyen – sensibilisation à l’éthique

Transcription de la vidéo

Qu’est-ce qui vous a rendue sensible à l’importance de l’éthique ?

Je crois qu’assez jeune, je me suis questionnée sur… Quand j’étais jeune, je le formulais dans le registre « ce n’est pas juste ». Sans le vouloir, je pense que j’étais assez féministe : « Pourquoi les filles n’ont pas le droit de ceci… ? Pourquoi c’est possible pour les garçons, pourquoi ce n’est pas possible pour les filles ? » Tout un questionnement comme ça, mais qui n’était pas vraiment formulé. Et puis c’est quand j’ai commencé à travailler sur la violence que là j’ai commencé à me poser des questions plus précises.

Comment s’est faite cette sensibilisation à l’éthique dans votre activité de psychiatre ?

Quand j’ai écrit le livre sur le harcèlement moral, je me suis beaucoup interrogée sur le terme « moral ». Parce que pour moi, c’était une évidence. Je recevais des patients qui me disaient : « Ce n’est pas juste, ce qu’on m’a fait, ce n’est pas bien ! » En français, le terme moral a une notion de bien et de mal, ça a une notion aussi psychologique, mais quand j’ai donc défini le harcèlement moral, j’aurais pu appeler ça le harcèlement psychologique, et je trouvais que c’était important qu’il y ait cette notion « ce n’est pas bien ! » Alors bien sûr ça m’a amenée à m’interroger sur l’éthique, sur la morale ; j’avais aussi très peur qu’on m’accuse d’un ordre moral, de vouloir remettre des limites. Il faut dire que quand j’ai travaillé sur ce sujet, les psychiatres et les psys en général avaient pour règle, justement, de ne pas porter de jugement mais tellement pas porter de jugement que finalement ils en venaient, selon moi, à cautionner des choses qui me paraissaient réprouvables. Par exemple, laisser en place des comportements pervers, malsains sans protéger nos patients. Alors je sais que ça a changé maintenant, mais j’étais sans doute une des premières à dire : « On ne peut pas tout accepter », et à dire que moi, dans ma position de médecin, de psychiatre, j’avais aussi à prendre position. Ce qui n’a pas été évident, je veux dire : de quel droit, moi, je saurais mieux ce qui est bien ou pas bien, ce qui est la norme pour l’autre, etc.? Donc il a fallu que je réfléchisse beaucoup là-dessus et je me suis dit que d’abord ce n’est pas ma position à moi que j’impose à l’autre, mais c’est en discutant avec mon patient ou en discutant avec les personnes concernées, qu’on se pose la question de ce qui est bien pour la personne. Par exemple, quand je parle de violence, je ne dis pas « Tel acte est violent ». Je demande à la personne : « Est-ce que ce comportement vous convient ? Est-ce que ça vous fait du bien ? Est-ce que c’est bon pour vous ? » Et on réfléchit ensemble sur ce qui peut être.

Entretien réalisé le 28 janvier 2011

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