Marie-France Hirigoyen – caractères et vertus éthiques

Transcription de la vidéo

Quels sont les caractères éthiques qui vous ont été les plus utiles ?

Je pense que ce qui pourrait me caractériser, je dirais que c’est le courage d’avancer. Je crois que ce qui m’a vraiment définie, ce sont les moments les plus douloureux que j’ai pu rencontrer, qui au lieu de me casser, m’ont justement, je dirais épurée du superficiel, de tout ce qui n’est pas vraiment essentiel, et du coup, ça m’a confortée dans ma volonté de m’améliorer toujours, enfin d’essayer. Alors je crois que ce qui au départ était du doute chez moi, un doute négatif, – c’est-à-dire je n’ai pas confiance en moi, être assez timide, inhibée –, je crois que ce doute là maintenant est devenu plus un questionnement beaucoup plus général. Et puis ce n’est jamais fini, c’est-à-dire une grande curiosité de la vie, de ce que je pourrais faire, envie d’aller vers les autres, envie d’aider, au fond envie que mon existence ait un sens. Bon, peut-être c’est immodeste quand je dis ça, peut-être que je m’illusionne, mais en tous les cas avancer, je crois que c’est ça, avancer.

D’où proviennent les ressources de votre courage ?

Je crois que si j’ai eu toujours envie d’avancer, d’affronter, de ne pas baisser les bras, je crois que ça tient à quelque chose de personnel qui est que ma mère était quelqu’un qui était beaucoup dans la plainte, qui, pour des raisons qui tenaient à son histoire, avait souffert et se plaignait. Et moi je me suis toujours dit que je ne voulais pas être comme ça. Alors je pense que c’est sans doute à partir de là que je suis devenue victimologue. Au fond, je suis devenue victimologue parce que je n’aime pas les victimes. Je n’aime pas les victimes, c’est-à-dire que je n’aime pas que les personnes restent dans une position de victime. Et quand les gens viennent me voir, j’essaye de leur transmettre le fait que : « OK, vous avez été victime mais maintenant il faut faire quelque chose avec ça et il faut en sortir, il faut avancer ! » Alors, dans ma vie, comme dansla vie de pas mal de gens, j’ai rencontré des épreuves et je me suis toujours dit qu’il fallait s’appuyer là-dessus pour rebondir et que dans le moment où on a l’impression qu’on coule parce que tout va mal et que c’est très dur, on peut toujours donner un coup de pied au fond de l’étang et hop! remonter; et on remonte encore plus haut et on avance. Je crois que ça c’est quelque chose que j’essaye de transmettre. J’espère que je le fais un peu, en tous les cas c’est ce que je tente de faire en permanence.

Au fond, j’ai toujours eu le sentiment que j’ai eu de la chance au départ : la chance d’avoir la possibilité de faire des études, mes parents m’ont permis ça ; la chance d’avoir les capacités intellectuelles, les capacités d’avancer, de faire des choses, et je pense que ça m’a donné une obligation d’en faire quelque chose. Pour ce que je disais tout à l’heure, pour que mon existence sur terre ait du sens. Mais il ne faut pas dormir sur ses lauriers, il ne faut pas penser que c’est acquis. Je me méfie beaucoup des gens qui sont fiers d’eux, qui se mettent en avant et qui sont dans un ego surdimensionné. Je crois qu’il faut rester modeste et savoir qu’on n’est pas grand-chose dans ce monde, mais que ce petit pas grand-chose que l’on est, ça peut apporter quelque chose à l’humanité. Je crois qu’il faut en permanence se replacer comme ça.

Entretien réalisé le 28 janvier 2011

 

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