Laurent Bibard – motivation à l’éthique

Transcription de la vidéo

Comment motiver les jeunes à mener une vie éthique ?

En leur laissant les espaces d’essai et surtout en ne les enfermant pas dans les peurs des générations qui précèdent. Il y a un phénomène actuellement qui est extrêmement frappant et d’une visibilité malheureusement catastrophiquement évidente : le phénomène des classements. On a besoin d’une taxonomie universalisée, partout on classe tout, tout. Et pourquoi ? Parce qu’en arrière-fond des classements, ou derrière, qu’est-ce qu’il y a ? Un monde qui devient objectivement relativement chaotique. Si le chaos se traduit par une équivalence des possibles, par le fait qu’une toute petite décision peut avoir des effets colossaux à l’autre bout du monde et que tout ceci est imprévisible, les adultes ont peur du monde où ils sont – et qu’ils ont contribué à fabriquer –, mais pas du tout nécessairement intentionnellement, de facto en quelque sorte, dans la complexité où nous sommes. Et cette complexité-là et cet aspect chaotique faisant peur, en contrepoint ou en effet collatéral ou plutôt en en effet direct opposé, provoque un désir de classement et de rangement formidable, et ce désir de classement et de rangement, c’est aussi le désir des prestiges : il faut toujours aller là où la sécurité est assurée par la réputation. Et donc, on bloque le regard des jeunes vers des objectifs très précis, et je crois qu’on ne leur ouvre pas l’existence et il faut absolument... Dans ce cas-là, qu’est ce qu’il se passe ? Ils sont enfermés dans les préjugés des autres et ils n’ont pas leur propre vie. De ce point de vue-là ils perdent la capacité et ils n’acquièrent pas ou ne cultivent pas la capacité à juger par eux-mêmes. Et je crois qu’il faut les encourager – tout en étant pondéré sur cet encouragement – à cultiver là une question en amont de toutes les autres, qui doit être celle de savoir ce qu’ils veulent, eux.

Alors il y a des méthodes, en quelque sorte, peut-être, mais il n’y a pas de réponses. On peut favoriser une bonne culture de la question, de l’instruction de la question, qui est « qu’est-ce que je veux ?», qui recèle d’extraordinaires complexités. Je, c’est qui ? Vouloir, qu’est-ce que c’est ? Et qu’est-ce que, quel objet je vais me donner à vouloir ? Et c’est cet objet, ou cette chose, le « qu’est-ce que ? », c’est peut-être un mouvement, une dynamique. La réponse n’a rien de simple, mais cette question, en amont de toutes les autres, alimente je crois de manière très favorable une véritable qualité de comportement qu’on pourrait qualifier d’éthique au sens d’une capacité à poser les bonnes questions. Et nous sommes dans un monde très différent, qui ne fait qu’orienter les jeunes vers des réponses préfabriquées, rassurantes, parce qu’on a aussi besoin de se rassurer. Mais je crois qu’on ne les sert pas du tout en favorisant des réponses préconçues pour eux.

Entretien réalisé le 8 décembre 2008

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