André de Peretti – transmission

Transcription de la vidéo

Comment, selon vous, peut-on enseigner l’éthique ?

La première idée simple, évidemment, c’est d’abord de la pratiquer, pour qu’elle puisse rayonner, pour qu’il puisse y avoir le sentiment pour chaque élève qu’il est respecté par son professeur. Quoiqu’il soit, de quelle couleur qu’il soit, de quelle taille qu’il soit, de quelle réussite qu’il soit, il est à respecter. S’il n’y a pas ça, eh bien il y a contradiction, il y a manquement à sa fonction, il y a manquement au rôle qui sociétalement est confié. Il y a manquement, il y a trahison, trahison des clercs ; on retrouve Benda.

Et deuxièmement donc, dans cette réalité, il faut non seulement qu’elle soit sensible dans la communication même, sensible dans la manière de parler, dans la manière de voir les choses. C’est vrai aussi pour l’éducation des enfants, mais c’est vrai pour l’enseignement plus généralement. Il faut, il faut que la personne, de temps en temps fasse explication et qu’elle explique : « Tu vois, je te dis ça, voilà pourquoi. Ce qui m’inspire c’est ceci, c’est cela ». Ou « tu vois, ce que j’espère pour toi quand tu seras plus grand, c’est ceci, ceci, cela », ou…, enfin  tout ce que l’on peut voir de communicable de son éthique, dans lequel on l’accorde à l’évolution éducative, à l’évolution de chaque enfant et de leur relation aussi entre enfants. Il y a une intervention par rapport à l’entrechoc entre les jeunes, dans la famille ou dans la classe, qui est effectivement à respecter. Alors, dans cette vision de l’autre où l’on exprime des valeurs, où l’on…, j’ajoute là : éthique non séparable de l’esthétique et je redis nécessité de petites fables, de petites illustrations, de savoir quels livres recommander aux enfants, quels livres les intéressent, quel petit jeu peut être significatif et quelle manière de jouer avec eux va être significative. Vouloir à tout prix que l’enfant perde, ce n’est pas bien. Vouloir à tout prix que l’enfant gagne, c’est un peu mieux mais ce n’est encore pas bien. Vouloir qu’il gagne afin qu’il puisse ensuite s’habituer à perdre pour ensuite faire des efforts pour gagner. Donc là il y a des petites mesures de subtilités, mais qui comportent donc une attitude prévisible, une attitude aussi de réflexion sur ce qu’un enfant a pu faire, de réflexion avec lui, éventuellement. Là encore l’éthique doit être libératoire pour l’enfant, comme l’enseignement doit être libératoire.

Toute ma bataille pour l’évaluation dans le monde de l’éducation : nous ne faisons pas une évaluation, nous faisons une, comment dirais-je ? une pénalisation. Le jeune correspond à ce que l’enseignant veut qu’il soit, ou meilleur, ou au contraire il est minable. Quand on pense que les enseignants, dans la classe, quand ils ont donné des corrections de copies, de devoirs, de compositions, ils annoncent les notes et ils annoncent les places officiellement, alors que ça scandalisait nos amis américains, l’enseignant américain. C’est personnel ! L’évaluation doit être personnalisée et non pas à tue-tête, comme une manière de jeu transformé en sélection. Notre système est un système de super-sélection immodérée et précoce et prématurée, alors que le problème c’est que l’évaluation, étymologiquement, c’est faire sortir les valeurs. Il faut que chaque élève soit : « Là, il a fait des progrès, il peut continuer et essayer ! Attention, là tu auras peut-être à faire attention ! Mais ce n’est pas parce que tu as un 5 sur 20 dans une matière et que je t’ai mis un 15 sur 20 à une autre matière, qu’en tout et pour tout tu as un 10 sur 20 ! » Ça n’a pas de sens ! La notation à la française fait partie justement de ce refus de l’évolution, refus de la souplesse. C’est du tout ou rien là encore et les élèves, ils ont réussi ou ils ont échoué. Alors que non ! Il s’agit de savoir : est-ce qu’ils ont progressé ? est-ce que ça peut les aider à progresser encore ? est-ce qu’on peut leur donner… ? et est-ce qu’ils peuvent aussi avoir des pistes d’une évolution de carrière, des pistes de choix, de métier, des pistes d’orientation?

Entretien réalisé le 3 février 2015

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