Pejman Memarzadeh – éthique et musique

Transcription de la vidéo

Pourriez-vous approfondir le lien que vous faites entre l'éthique et la musique ?

Je suis très attaché à ces deux notions, c'est-à-dire que pour moi, dans la démarche artistique quelle qu’elle soit − on va parler de la musique, en ce qui me concerne −, c’est vraiment la quête du beau, et dans la démarche éthique c’est donc la quête, je dirais, du bon, ou du juste. Et ces deux quêtes avancent de pair, ce sont des processus assez similaires. C'est-à-dire qu’au quotidien, si je prends mon violoncelle et que je travaille des suites de Bach, qu’est-ce que je vais travailler ? Je vais travailler la beauté, la jonction entre deux notes, on va ciseler une phrase musicale. Alors on commence par deux notes, après on passe à une mesure, après on passe à une carrure et puis on passe à un mouvement. Donc c’est le souci à la fois du détail et d’une courbe un peu plus grande et encore plus grande et plus grande.

Et de la même manière, dans la démarche éthique, je pense qu’on part très souvent de choses très simples. J’ai dit le mot geste : effectivement, c’est peut-être tenir la porte à la personne qui est derrière soi. Le geste c’est aider une personne âgée à porter un sac, peu importe, parce qu’on est là, parce qu’on est de passage, qu’on est peut-être plus fort et que ça ne nous coûte pas grand-chose de le faire. Et puis ensuite, à nouveau on va dans des choses plus compliquées : dans son rôle de père par exemple dans une famille, comment se comporter de manière éthique quand on est père et puis ensuite les incidences que ça a dans notre profession.

La démarche éthique ou le fait d’être musicien, c’est l’attention constante aux détails. Aux grandes choses, mais également aux détails, et c’est vrai que j’aime beaucoup ce mot d’attention. C’est de faire attention : faire attention à ses actes, faire attention, prendre soin des gens qu’on aime ou des gens qui sont autour de nous, prendre soin de son rapport au monde, de ses gestes, de ses regards. Finalement, dans la démarche musicale et dans la démarche éthique, le vrai grand point commun, c’est la notion d’élévation.

D’ailleurs, ça me permet de rebondir sur autre chose : j’avais envie de dire que l’éthique − peut-être que vous m’auriez posé la question plus tard , mais à la fois la démarche musicale et l’éthique ont ceci en commun : c’est une démarche qui, entre guillemets, « se juge » à l’échelle d’une vie. C'est-à-dire que c’est : quel bien on a fait autour de nous ? Qu’est-ce qu’on a pu apporter ? Quelle belle production on a réussi à faire ? Quelles émotions on a su créer ? Et donc je crois surtout que c’est vraiment une démarche de toute une vie.

Entretien réalisé le 5 février 2008

 

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