Laure Adler – éthique au féminin

Transcription de la vidéo

Pensez-vous que les femmes ont quelque chose de particulier à apporter à l’éthique dans notre société ?

Eh bien ! je ne crois pas. Je le croyais, mais je ne le crois plus. Parce que justement, quand j’ai commencé à faire cette expérience d’être animatrice, puisque c’est le terme exact, d’un groupe de parents endeuillés, je me suis retrouvée avec une minorité d’hommes et une majorité de femmes. Et ce que j’ai appris de ces hommes était tellement bouleversant, était tellement profond, m’a tellement entamée psychiquement ! Je les ai entendus hurler, j’ai entendu leur stupeur, j’ai entendu leur effroi, j’ai entendu l’écho de leurs ténèbres intérieures de manière si forte que je me suis dit que nous, les femmes, nous avons peut-être un rapport plus ancestral, plus immémorial avec la souffrance, avec le deuil, avec le fait qu’on nous ait prises depuis des millénaires pour des sorcières, pour celles qui savaient caresser les corps les plus souffrants, etc., etc., que finalement on a mis des espèces de zones comme des cotons imbibés de larmes entre nous et la souffrance, comme si elle nous était consubstantielle. Mais depuis deux ans et demi je me pose vraiment la question et je me dis que les hommes, finalement, n’ont pas ces zones intermédiaires de cotons baignés de larmes et qu’eux, ils vont encore plus loin. On ne veut pas les prendre au sérieux parce qu’ils n’osent pas nous parler. Mais quand ils osent parler …

Entretien réalisé le 1er octobre 2008

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