Stéphane Diagana – notoriété

Transcription de la vidéo

Est-ce que la notoriété n’entraîne pas le risque de développer un ego surdimensionné ? Comment faire pour gérer les problèmes d’orgueil ?

Pour ne pas se perdre... On sait très bien que la notoriété peut poser ce genre de problèmes. C’est évident. À partir du moment où on le sait… Moi finalement j’aime quand il y a des problèmes en perspective. Quand on est sportif, on a le goût du challenge : de manière générale, on aime résoudre des problèmes. Et j’aime bien les sciences aussi, j’ai eu un parcours plutôt en sciences, j’ai un de mes frères qui fait de la recherche en biologie moléculaire, qui a fait du sport aussi. Quand on est chercheur, on aime résoudre des problèmes et quand on est sportif on doit être chercheur. Quand on est entraîneur, on doit être chercheur. On lit des publications, on doit trouver des solutions. La notoriété est potentiellement un problème et il faut donc trouver des parades, des solutions, dire : « Tiens, qu’est-ce que je fais de ça, quelles sont les opportunités, quels sont les risques ? »

Cette réflexion-là, je l’ai eue implicitement, j’ai vu des choses qui ne me plaisaient pas, j’ai vu les risques et je n’avais pas envie de perdre ce que j’avais, je n’avais pas envie que le sport soit un problème. Donc très vite, ça s’est cadré. Je me suis dit : « Tu peux en faire des choses, tu peux faire passer des messages. C’est une opportunité, et les risques qui sont là c’est de te perdre une fois de plus dans le statutaire. » Pour moi le statut de champion du monde a plus été une conséquence qu’un objectif. Je me suis dit : « Qu’est-ce que tu veux ? Un statut supérieur ? Être encore plus people, sortir de l’athlétisme ? Qu’est-ce que cela peut t’apporter ? Cela peut t’apporter plus d’argent. Oui ! Qu’est-ce que ça peut te coûter ? Cela peut te coûter tes relations avec tes amis, cela peut te coûter ta famille, te coûter ta trajectoire, que pour l’instant tu maîtrises. » Et pour moi cela n’a pas de prix, cela n’a pas de valeur. C’était assez simple pour moi. Je n’ai pas une fascination pour l’argent, parce que l’argent est un moyen. Bien sûr il en faut mais très vite, à un certain niveau de revenus, ce n’est plus une question de bonheur, c’est une question de statut et je pense que le statut est une course sans fin, qui amène plus de frustrations que d’épanouissement, d’accomplissement et de bonheur. Donc quand vous avez compris ça, vous ne faites plus les choix en fonction de l’argent.

On me dit parfois : « Si tu avais été footballeur, avec ta carrière tu aurais gagné plus ! » Je dis : « Sans aucun doute. Est-ce que j’aurais été plus heureux ? Je ne peux pas te le dire. » Ce n’est pas certain, ce sont des sports différents, j’ai appris sur moi-même peut-être plus que je n’aurais appris en faisant du foot. Donc je n’ai pas de frustration. Un journaliste m’avait posé la question quand j’étais champion du monde en 97, et l’équipe de France de football en 98, et il m’avait dit « Mais vous n’avez pas eu la chance de descendre les Champs-Élysées comme eux, vous avez eu moins de reconnaissance ! » Je lui ai dit : « Oui, mais ce n’est pas un problème, ce n’est pas un souci. Et descendre le bus tout seul sur les Champs-Élysées avec mon entraîneur, ça aurait été un peu bizarre... » Mais par contre ce que je n’ai pas eu et qu’ils ont eu, ce sont les scènes que j’ai vues dans les vestiaires, où entre eux il se passait quelque chose. Tout ça, je ne l’ai pas eu dans le sport tel que je l’ai vécu et c’est plus ça que je leur envie que de descendre en bus, parce que ça c’est du vécu et je pense que c’était beaucoup plus fort encore que tout le reste. C’était dans l’instant, c’était entre eux ; ils partageaient quelque chose qu’ils avaient vécu de la même façon sans doute, ou pour une grande partie : cette aventure commune.

Entretien réalisé le 28 janvier 2020

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