Serge Orru – éthique et vie professionnelle

Transcription de la vidéo

Quelles sont les difficultés éthiques spécifiques que vous rencontrez dans votre métier et comment essayez-vous de les résoudre ?

On est dans un monde où c’est toujours l’autre qui est responsable : on délègue les défauts sur les autres. Alors cela peut être sur son mari ou sur sa femme, cela peut-être sur ses enfants, sur son patron, sur son chef de service, cela peut être sur le délégué syndical, le représentant du comité d’entreprise, cela peut être sur le député, le sénateur, le président du conseil général, les hommes politiques. C’est toujours les autres. Si ma ville est mal gérée, c’est à cause du maire. Si mon pays est mal géré, c’est à cause du président de la République. Alors, bien-sûr, lorsque l’on a une responsabilité, il faut l’exercer. Moi je crois que la grande difficulté aujourd’hui est de juger et jauger sur les faits : un homme se juge sur ses gestes, sur ses faits au quotidien. Là, on peut contester tel comportement, telle phrase, telle expression. Les faits ! Et à force de déléguer sur les autres, on fantasme des comportements qui font que l’on pense forcément dans le cocon de son nombril et de son égocentrisme ; parce que, quand même, tous les hommes soi-disant naissent libres et franchement égocentriques. Moi aussi j’ai un bon égo, mais à un moment donné, à quoi sert-il ? À vivre, à affronter les difficultés, les contradictions, les controverses. On estime n’être jamais assez reconnu par l’autre, on estime n’être jamais rémunéré en fonction de ses immenses qualités, on estime valoir mieux, et bien-sûr, dans la non-communication. Il faut donc que l’autre saisisse par ondes l’ensemble de sa problématique. Nous sommes donc dans un monde où l’on n’est pas à la recherche de ses propres solutions. Parce que si j’ai du bien-être en moi, si j’ai du calme en moi, je suis donc une petite oasis radieuse. Et peut-être qu’on peut propager ces oasis — non pas de tranquillité, parce que l’harmonie n’est pas que tranquille, le désordre fait partie de la vie. Donc on peut donc élargir ces oasis, ces bouts de vie où le respect prévaut ; le respect de soi aussi. Parce que quand on est respectueux envers les autres, on est respectueux envers soi-même.

Vous avez une fonction, et avez eu des fonctions, dans lesquelles vous avez été obligé, parfois, de vous séparer de collaborateurs. Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez cette situation de manière éthique ?

D’abord, il faut aider l’autre à passer ce cap difficile. Quand quelqu’un part d’une entreprise, il faut qu’il parte la tête haute. On peut avoir des désaccords. Parfois c’est une histoire de compétence et parfois, c’est une histoire d’état d’esprit. Parfois il n’y a pas de connivence, parfois il peut y avoir aussi déloyauté et aussi incompréhension. Mais il faut vraiment laisser à l’autre la possibilité de partir vraiment la tête haute et l’aider dans ce nouveau départ. Je dois dire que c’est quelque chose sur laquelle je travaille beaucoup. Parce que les situations dans la vie se retournent. Ne jamais humilier, même quand on est provoqué, ne jamais humilier, et si je préserve la dignité de l’autre je préserve la mienne. Mais ce sont toujours des situations délicates, difficiles, et il y a beaucoup de nuits blanches.

Entretien réalisé le 5 février 2008

Les commentaires sont fermés.