Claire Nihoul-Fékété – éthique et connaissance de soi

Transcription de la vidéo

Auriez-vous un exemple d’expérience d’ordre éthique qui vous aurait conduite à découvrir quelque chose sur vous-même ?

L’exemple le plus fréquent et le plus difficile, c’est la personne qui n’a pas le savoir, alors que vous considérez que vous l’avez. Elle vous objecte ou  vous contredit, elle n’a pas le savoir sur le sujet et, de temps en temps, elle a parfaitement raison. En recherche, par exemple, un tout jeune chercheur qui vient et qui vous propose un truc aberrant. J’ai appris à reconnaître que même en ayant le savoir sur quelque chose, quelqu’un peut vous montrer une autre facette complète d'un problème. Cela concerne aussi la hiérarchie: quelqu’un de tout à fait modeste dans la hiérarchie qui vient dire au patron... - mais même sur la couleur d’un mur, des choses de la vie quotidienne -, et renverser la hiérarchie. C’est très difficile. Et à mon avis, c’est très éthique. Pour dire après: « Eh bien finalement non, la bonne décision n’est pas... » Je ne sais pas si je m’explique bien, mais ça c’est quelque chose qui dans ma vie a été difficile. Surtout quand on avance, on avance, on fonce, on travaille, etc. On n’a pas envie de s’arrêter sur une proposition bizarre.

Qu’est-ce qui est éthique dans cette attitude ? Le fait de se dire que l’autre a peut-être raison, ou également la considération que cela lui apporte ?

Ce sont les deux choses. Et là aussi ce n’est pas désintéressé. Il va en ressortir quelque chose de positif. C’est pour ça que le désintéressement… Non, je pense que l’éthique peut être une des très nombreuses manifestations de l’intelligence. Parce que l’intelligence, c’est mille facettes.

Pour vous, qu’est-ce que la connaissance de soi et comment la reliez-vous à l’éthique ?

Je vais répondre par une phrase : c’est l’arrêt sur image. Pourquoi j’aime ça, pourquoi je n’aime pas ça, pourquoi j’ai agi comme ça, pourquoi je n’aime pas cette idée, ces personnages, cette société, etc. ? Je ne suis pas  une intellectuelle, je suis dans l’action, et à mon niveau la connaissance de soi c’est l’arrêt sur image. « Bon, tu as fait ça mais pourquoi ? Tu as répondu mal, tu as refusé, tu as ignoré, ou au contraire tu as sauté à pieds joints dans cette chose, pourquoi ? Réfléchis au pourquoi tu as fait ça ! » Ce qui n’empêche pas de le faire,  je veux dire que ça n’est pas une critique de soi, mais c’est de savoir pourquoi on fait les choses ou pourquoi on ne les fait pas. A mon niveau c’est ça.

Est-ce que la répétition aussi fréquente que possible de cette réflexion génère, selon vous, une sorte de perfectionnement de soi ?

Je pense que la connaissance de soi... alors bonifier ? rendre meilleur ?  Non. Si, je pense que la connaissance de soi améliore ce qui est finalement la définition de la vie: la relation à autrui. La relation à la nature, la relation à l’animal, la relation au cosmos. La connaissance de soi améliore son fonctionnement vis-à-vis des autres.

Entretien réalisé le 28 décembre 2007

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