Xavier Emmanuelli – sens de la vie

Transcription de la vidéo

Qu’est-ce qui vous oriente dans la vie ?

C’est l’étrangeté de la condition humaine. Je vous dis ça parce que j’ai mon âge. Quelqu’un m’aurait demandé ça à vingt ans, je l’aurais envoyé balader. Mais les phares… Je suis croyant, je suis devenu croyant et, par le Christ, je crois que l’incarnation, d’être homme c’est le projet ultime de la création. Mais comme dirait Bergson : « L’univers est une machine à fabriquer des dieux », donc on est un homme cosmique, c’est-à-dire vis-à-vis de l’univers. Oui, il y a la matérialité de la vie triviale de chaque jour, mais il y a aussi l’aspiration, et on l’a tous, à être cet homme de l’univers. C’est ça mon phare. C’est un peu réducteur de dire : « Je suis croyant, je crois dans l’Être ». Ça fait penser, dans la Bible, quand Moïse, à force, il rencontre Dieu. Bon, c’est un leader, il lui demande, culot, il dit : « Mais qui es-tu ? » Et la réponse : « Je suis celui qui suis ». Autrement dit « Arrête ! Pose les questions ! Tu es dans l’être et l’être c’est moi. Je suis, j’ai été, je serai. » Et donc je crois ça : l’éternité de l’être, on est dans l’être. Donc il n’y a pas de vie, il n’y a pas de mort, l’être. Et dans tout : dans la fourmi, dans l’arbre, dans la forêt, dans le… et, à plus forte raison, dans l’être humain.

Chaque fois qu’un homme marche, il cherche du sens, c’est clair, moi comme les autres, et il essaye de donner des clés, autrement on vous dit : « La vie est absurde ». D’accord, elle n’a pas de sens, elle va dans tous les sens. Peut-être dans l’évolution ? Je ne le crois pas. L’évolution sans queue ni tête, darwinienne. Mais c’est à moi, c’est ma responsabilité de trouver un sens. Et le sens va de pair avec l’amour, parce que, pour finir, c’est que tout le monde veut être aimé.  Depuis le bébé inconsciemment, le jeune-homme, la belle jeune-fille, l’homme fort, le politique, l’homme malade, l’homme mourant. Tout le monde dit : « Aime-moi ! » Mais pour être aimé, il faut aussi donner un peu d’amour. Et donc c’est ça le sens : quelle est ma place dans l’énigme ? Je n’ai pas de réponse définitive, je reste sur le point d’interrogation et au bout du compte je ne sais pas si la vie a un sens, mais j’ai essayé de lui façonner un sens et je pense que notre passage furtif, comme ça, sur la terre, c’est de nous donner la responsabilité, la possibilité de trouver une clé. Alors comme j’ai lu Jung, il y a des clés universelles, des archétypes, il y a un inconscient collectif, tout ça, sur la terre, mais c’est quoi dans l’univers ?

Du fait de cette conscience d’être, comment vivez-vous ? Avec gravité ? Avec bonheur ?

Ni l’un, ni l’autre. Notre passage sur la terre c’est l’écume, c’est l’écume du temps. Ce n’est ni grave, ni léger, c’est une sorte de condition un peu ironique. Oui, c’est la légèreté de l’être. À quoi bon, il n’y a rien à posséder, on ne s’agrippe à rien. Il y a un sens, à condition que ce soit vous qui le donniez. Ce n’est pas du bonheur, c’est une légèreté.

Oui, la seule chose un peu grave c’est d’aimer. Aimer ça veut dire : vous n’avez rien à donner, mais vous donnez. Vous n’avez rien à recevoir, mais vous recevez. Avouez que ce n’est pas une ironie, c’est une légèreté. Ça n’a pas de sens, mais c’est gai.

Entretien réalisé le 17 février 2016

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