Alain Cugno – éthique et connaissance de soi

Transcription de la vidéo

En quoi selon vous, le fait d’apprendre à se connaître peut-il avoir une utilité en matière d’éthique ?

Pareil, c’est très compliqué. Je ne sais pas s’il est intéressant de se connaître. François Roustang rappelle que Narcisse s’est perdu parce qu’il a voulu se connaître et qu’on avait dit qu’il vivrait à condition qu’il ne se voie jamais. Je ne sais pas si c’est intéressant, et cette histoire du narcissisme est tellement compliquée, qu’on ne peut même pas dire qu’il faut dire : ne vous occupez pas de vous-même, parce que dès que je dis « Ne vous occupez pas de vous-même ! », je ramène le moi au centre. C’est tellement important, que je ne m’occupe pas de moi-même ?

Alors, en deuxième vague, je dirais qu’il faut s’aimer soi-même, que c’est la seule manière de s’y prendre. Il faut s’aimer soi-même. Mais ce n’est peut-être pas en se connaissant soi-même qu’on s’aime le plus.

Et là, en troisième vague, je dirais que ce qu’il faut connaître, ce sont des savoir-faire. Il faut apprendre à faire quelque chose : que ce soit l’écriture, que ce soit la plomberie, que ce soit un métier quelconque, que ce soit un instrument de musique, que ce soit la peinture, enfin le champ est immense. Se connaître soi-même n’offre aucun intérêt. Connaître quelque chose est vraiment la seule médiation qu’on puisse mettre entre soi et soi-même. Et puis là peut-être que par moments, on pourra s’aimer soi-même. Mais le moment où je m’aime moi-même, c’est lorsque ce que j’ai fait a réussi, et je m’aime moi-même parce que justement je ne sais pas comment je m’y suis pris. C'est-à-dire ce n’est pas moi-même du tout que j’admire, c’est « ça a marché ». C’est ça qui me rend heureux.

Entretien réalisé le 16 octobre 2007

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