Miguel Angel Estrella – musique et engagement

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Musique et engagement

Et il y avait un autre élément qui jouait fort. Par exemple, un jour j’avais gagné un prix de la Ford Foundation pour faire un concert à New York. À l’époque – c’était en 71 – je militais activement dans la jeunesse péroniste, en plein jour, en étant l’assesseur volontaire d’un grand syndicat de canne à sucre, chez moi, pour l’éducation et la distribution culturelle. J’étais devenu aussi le porte-parole de la fédération indienne du coin, qui m’avait nommé délégué international de leurs intérêts.

Donc profitant de mes voyages de concerts, je faisais des témoignages au Mexique, à Washington et ici, à l’UNESCO. Je racontais, par exemple, les histoires des perversités terribles des grands maîtres des grandes usines de canne à sucre, qui stérilisaient les femmes sans qu’elles le sachent, pour ne pas payer les allocations familiales. Donc c’était très fort pour moi, qui ne suis pas indien, d’être le délégué international d’une fédération indienne et d’une fédération ouvrière de la canne à sucre, de la région du Nord-Ouest de l’Argentine. J’avais promis aux indiens de la vallée de Calchaqui, qui est une vallée de la précordillère des Andes, de faire une série de concerts. Ça tombait juste au moment où je devais partir pour New York. Un groupe est venu à Tucuman, pour me dire la chose suivante : « Nous sommes très fiers que tu aies été élu pour représenter les jeunes musiciens argentins dans un grand centre de New York. Mais nous avons lu dans les journaux que c’est la Fondation Ford qui récupère ça. Tu sais, la Fondation Ford, comme toutes les grandes entreprises, fait son argent avec notre sueur. Et après, pour l’évasion fiscale, ils créent des programmes dont tu es le bénéficiaire maintenant. Alors on croirait à ta sincérité si tu disais publiquement que tu vas jouer dans une des plus célèbres salles du monde grâce aux sueurs des travailleurs. »

Entretien réalisé le 14 juin 2008

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