Miguel Angel Estrella – éthique religieuse, éthique laïque

Transcription de la vidéo

Vous témoignez d’un contact quotidien avec la figure du Christ, que vous appelez « El Flaco », Le Maigre. Cette relation a-t-elle une incidence d’ordre éthique ?

J’ai un long dialogue avec lui, qui dure à peu près vingt minutes. Je fais un parcours de tout ce qui s’est passé la veille, les bouquins que je suis en train de lire, les paroles pour certains de mes morts et comment j’aimerais qu’ils soient en paix. Et après je lui parle des vivants qui m’intéressent le plus. Dans ma chambre j’ai un Jésus polonais, qu’on m’a offert à Kiev, en Ukraine. Il a un regard très grave ; c’est le regard de quelqu’un qui a vécu beaucoup. Alors quand je lui parle, je sens que son regard change et parfois il est très critique. Donc c’est une sorte de confession, n’est-ce pas ?

Je demande beaucoup pour mon petit-fils Ivan, parce qu’il ne trouve pas son chemin. Alors qu’est-ce qu’il me répond dans son regard ? Il me dit : « Tu dois apprendre à Ivan qu’il faut avoir toujours une façon de rêver quelque chose: "J’aimerais telle chose." Mais il faut que tu lui fasses comprendre aussi que c’est avec l’effort qu’il faut qu’il construise ça. » Il me dit aussi − il n’y a pas longtemps de ça parce que c’est pour ça que je m’en souviens − que c’est l’effort et qu’il doit trouver sa place dans le monde sans les coups bas engendrés par l’envie, par exemple. Et il ne faut pas prendre la place de quelqu’un d’autre.

« Il faut que tu fasses passer ça à Yvan et qu’il ne se plaigne pas, parce qu’il est beau, il a une très belle santé, il est magnifique cet enfant! Alors qu’il ne tombe pas dans l’auto-compassion quand quelque chose ne va pas dans le sens qu’il veut. » Ce sont des choses très fortes. « Et que si jamais il obtient quelque chose, qu’il ne tombe pas dans la superbe non plus. Voilà tout ce que tu as à faire avec lui! Tu me demandes des choses, je vais t’aider, mais toi tu as ta responsabilité, c’est ton petit-fils. »  

N’est-ce pas plus un dialogue avec votre conscience qu’avec cette figure divine ?

C’est très juste… Je peux comprendre que c’est une lecture, une des lectures possibles et une partie de moi pense ça : c’est moi qui est en train de le prendre comme miroir de moi-même, El Flaco. Mais en même temps il y a une autre réponse très forte qui est la foi : je crois en Lui. Donc je crois que s’il me renvoie les choses qui font partie de ma responsabilité, il est en train d’être mon père, de me dire, me rappeler que moi aussi j’ai une responsabilité. Donc on peut faire les deux lectures et je crois qu’elles ne sont pas contradictoires.

Entretien réalisé le 14 juin 2008

 

 

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