Ghaleb Bencheikh – éthique au quotidien

Transcription de la vidéo

Quels sont, selon vous, les outils dont nous disposons pour s’engager avec fermeté dans ce combat ?

Le propre de l’homme est de vivre toujours dans le souvenir d’une fête et dans l’espoir d’en vivre une autre, et donc il est instamment et constamment insatiable. Que l’on y tende ou que l’on y coure pour pouvoir y arriver, dans un cas comme dans l’autre l’énergie humaine est finalement dépensée, voire dilapidée dans ce qui est vain, éphémère, labile, fragile. Et quand il y a cette prise de conscience, on se rend compte finalement que le riche est celui qui se contente de ce qu’il a. Ce n’est pas là une incitation, un encouragement à la paresse, à une quelconque volonté de ne pas entreprendre, de ne pas travailler, de ne pas faire fructifier ses biens, de quelque ordre que ce soit, mais c’est une volonté de vouloir trouver un juste équilibre, ni  mou ni mièvre, entre l’investissement dans le monde et cette idée qu’on peut le quitter à chaque instant.

Donc le bon dosage entre les deux fera en sorte qu’on donnera d’avantage d’importance aux relations humaines, au méta – métaphysique, méta social, métahistorique même pour certains – et donc à cette spiritualité. Et  l’exercice spirituel lui-même obéira à quelques injonctions et à quelques règles de validité pour ne pas tomber dans des ersatz de mauvais aloi ou dans les succédanés de pacotille d’une certaine spiritualité – sans vouloir jeter l’anathème contre ce qui pourrait ressembler d’avantage à une contrefaçon sous un label spiritualisé.

Ainsi cette prise de conscience fera qu’avec sérénité, avec calme, mais aussi avec une détermination intérieure, en sondant les bas-fonds de son être, ou les strates les plus archaïques de son âme, sans prétention aucune, sans être infatué de soi, et ce n’est pas une mince affaire, on mènera cet exercice-là de pair avec une vie active, chargée le plus souvent. Et nos activités, hélas, dans ces centres urbains cosmopolites, avec le vacarme tumultueux de la ville, sont des activités chronophages, et il faut savoir, à un moment donné, agir et se voir agissant. Il faut savoir à un moment donné faire des pauses. Il faut savoir, tout en étant acteur, laisser place à une bonne dose à la fois de spiritualité et d’intériorité. Cette harmonie de l’ensemble fera en sorte que la partie éthique, la partie intérieure, la partie amour - amour théologal, transnaturel, puissant, incandescent, sans retour, gratuit, la gratuité du don et de l’amour - , cette part-là, cette flamme-là ne sera jamais éteinte.

Entretien réalisé le 5 décembre 2008

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