Amobé Mévégué – éthique et rapport à la mort

Transcription de la vidéo

Le souci éthique qui semble vous accompagner dans votre action vous fait-il porter un regard particulier sur la mort ?

Éthique et mort sont des concepts qui pour moi sont totalement liés. Je me réfère à mon champ civilisationnel, même si je me sens appartenir vraiment à la planète. En Afrique, généralement on dit que les morts ne sont pas morts : ils sont dans l’eau qui coule, dans le vent qui bruit. Et je suis convaincu, au-delà de ce qu’une portion de l’humanité a exprimé dans le giron des religions, qu’il existe comme une espèce de disque dur intérieur qui me fait songer à l’idée que ce que nous vivons – ce n’est même pas l’allégorie de la caverne  – n’est pas simplement ce qui est. Et je ne parle pas là de réincarnation, etc.

D’abord je pense qu’il y a prééminence de l’esprit sur la matière. Je suis convaincu qu’il se passe des choses, que la carapace charnelle qui nous incarne n’est en fait qu’un voile. Mais j’ai du mal à imaginer que cette énergie qui nous anime – vous imaginez l’esprit : l’esprit, la conscience –, que ceci disparaisse en même temps que se consumeraient nos os, notre chair ; nous sommes faits de matière, de cellules, etc. Et donc pour résumer, je pense qu’effectivement, parce que je suis convaincu que nous sommes dans une dimension qui en côtoie une autre, que l’on n’imagine pas parce que nous ne sommes pas dotés nous les hommes, les humains, c’est vaniteux mais nous avons des intuitions comme les autres mammifères.

Essayez de sonder depuis que vous êtes petits : dans vos vies, chaque fois que vous avez écouté une voix intérieure qui vous disait : « Attention, attention ! » –mais c’est d’une manière tellement palpable que ça peut faire peur – et que vous avez suivi cette voix intérieure et que vous  êtes confrontés à la vérité ; et bien vous pouvez, par projection au-delà de votre vie sur terre, vous imaginer que la même intuition que vous avez au cours de votre existence sur terre peut être en référence avec la vérité absolue. En d’autres termes peu châtiés, je suis convaincu – et c’est mon intuition depuis petit, c’est celle qui m’a guidé dans ma vie, celle qui m’a poussé à faire des choses, à considérer qu’en dehors de ce que je ne maîtrise pas, à savoir le temps qui m’est imparti sur cette terre –, je pense que je peux avoir une incidence, je peux avoir une influence sur le cours de mon existence et sur celle des autres, si vous avez cette conscience là.

J’ai aussi appris quelque chose, c’est que le verbe est générateur d’action. C'est-à-dire que pour impulser une action, il faut d’abord bien sûr le penser, mais le dire. Si je décide tout de suite de me lever et de vous planter tout seul devant la caméra, il faut qu’il y ait d’abord eu cette impulsion-là. Et je suis convaincu, mais j’en ai la conviction intime, que cette intuition profonde – Paulo Coelho appelle cela la légende personnelle – de ceux qui doivent réaliser leur vie dans le cadre de ce qu’ils ont ressenti comme étant ce pour quoi ils étaient venus sur terre, se prolonge au-delà d’une dimension que mon cerveau n’arrive pas à décrypter pour vous, mortelles créatures que vous êtes, comme moi pour l’instant. Mais je suis persuadé que plus fort que la matière est l’esprit et qu’il y a une survivance de l’esprit. Je ne sais pas, peut être que les astrophysiciens pourront mesurer physiquement ce qui se passe au moment où le dernier souffle advient, ce qui se passe : qu’advient-il de cette force qui est l’esprit ? Où va-t-elle, cette énergie ? Où se consume-t-elle ? C’est ce qui me guide au quotidien. Et je pense tous les jours – ce n’est pas morbide – à ma propre mort et à celle des miens pour trouver la vitalité, pour engendrer des actions positives, afin justement que ce moment qui adviendra d’une manière inéluctable ne soit pas vain.

Entretien réalisé le 10 janvier 2008

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