René Frydman – éthique et société

René Frydman – éthique et société

Pensez-vous que la société actuelle favorise les comportements éthiques ? Si oui ou si non, pourquoi ?

J’ai envie de dire qu’elle favorise les deux. C’est-à-dire que d’un côté il y a une place incontestable pour l’éthique et particulièrement en France, avec la création du Comité National d’Éthique et les comités de protection des personnes, et on voit bien qu’il y a des structures qui sont créées. Et, en même temps, on a l’impression qu’on ne touche qu’un îlot. Pourquoi ne fait-on plus d’instruction civique dans la formation ? Pourquoi est-ce que les discussions du Comité National d’Éthique ne sont pas plus diffusées, représentées ? Il y a des efforts qui ont été faits, mais… Par exemple, ce que vous faites là pourrait être enregistré, diffusé, être accessible. Venir à la Sorbonne une fois par an tous les 15 décembre, ça réunit six cents personnes, mais c’est des milliers de personnes qu’il faut toucher, qui sont peut-être très intéressées par ces débats, mais qui ne peuvent pas se déplacer. Donc c’est pour ça que je vous dis que beaucoup de choses cohabitent actuellement dans la société, ce qui crée d’ailleurs une certaine difficulté d’être, parce que c’est une société diverse, une société en gestation permanente, comme toute société, d’ailleurs.

Il y a une place pour l’éthique, incontestablement. Si vous prenez les débats de télévision, que ce soit sur les mères porteuses, sur le don d’ovocytes ou sur la fin de vie, par exemple, jamais on a autant discuté. Ces problèmes existaient il y a cinquante ans, mais on n’en discutait pas comme ça. Donc en même temps on a l’impression qu’on a fait des pas en avant, et en même temps, quand on touche la masse et que ce n’est plus une élite qui décide dans son coin mais qu’on veut justement que tout le monde y participe, on a l’impression, et ce n’est pas qu’une impression, on a même la certitude que c’est insuffisant. Il faudrait que cette goutte d’eau soit un véritable océan et qu’une société, qui ne serait pas idéale, mais bien éloignée de la sauvagerie, soit une société éthique, une société dans laquelle les discussions et déjà l’organisation d’un échange éthique soient acceptées. Donc je trouve qu’on va vers cela et qu’en même temps on a son contraire. Et on peut rebasculer très vite!

Votre vision de l’éthique, ce serait finalement cet effort que l’on doit faire sur soi d’abord, et par rapport aux autres, à la société – et qui va nous aider à vivre mieux, à vivre ensemble ?

Oui, je pense que vous avez raison de dire les deux. Finalement c’est une mise en ordre personnelle et une mise en ordre collective, qui permet d’avoir des points de repère, des valeurs, des hiérarchies d’idéaux. C’est donc redonner à l’homme ne serait-ce que des idéaux et en tous les cas les maintenir, voire les développer. Oui, c’est à double niveau : le niveau personnel et le niveau de la société. Et quand je dis la société, c’est la société qui nous entoure, la famille, le groupe, la nation et le monde.

Entretien réalisé le 14 mai 2008