Jean-Noël Tronc – sensibilisation

Transcription de la vidéo

Qu’est-ce qui vous a sensibilisé à l’éthique ?

Je pense que les choses se sont construites comme un individu se construit. C’est-à-dire à la fois – pour ne pas rentrer dans la discussion sur l’inné, mais pour tout ce qu’on acquiert en tant qu’individu - à un processus éducatif, à la fois familial et social, au sens de l’éducation que la société nous donne.  Et puis, tout au long de ma carrière, à travers des expériences professionnelles. Là encore tous les parcours peuvent y contribuer, mais moi j’ai commencé ma carrière dans une entreprise américaine, et c’est vrai que nos amis américains, dont on se sent souvent un peu éloignés au plan culturel, ont ceci de bien, à l’exemple aussi des pays scandinaves, qu’ils ont de manière très ancienne aujourd’hui mis de l’éthique dans la formation professionnelle. Et puis l’exemple. Donc au fond ces trois sources : source familiale et éducative - j’insiste sur la dimension aussi éducative, parce que le système éducatif au sens large, à commencer par l’école, a un rôle déterminant à jouer, qui joue sans doute encore aujourd’hui insuffisamment dans le développement de l’éthique -, le développement professionnel et le développement par l’exemplarité.

Et puis, pour insister là-dessus, je parlais des origines professionnelles : j’ai commencé ma carrière professionnelle dans une entreprise américaine, qui se trouve à quelques encablures du siège de la SACEM, à la Défense, qui est une entreprise qui a changé de nom, qui s’appelait à l’époque Andersen Consulting. C’est vrai que pour le jeune Français que j’étais, c’était très surprenant. Ce n’était pas désagréable mais c’était surprenant que d’avoir dans le processus d’intégration qui durait plusieurs mois, qui se passait notamment par quelques semaines aux États-Unis près de Chicago, à traiter des heures durant d’éthique, avec ce qu’on appelait des ethical standards, donc des règles d’éthique. Standards au sens américain, donc c’est le contraire de la norme : c’est vraiment les règles définies par les acteurs privés, mais qui s’imposent. Et ces ethical standards étant extrêmement structurés avec des processus à l’américaine de validation des acquis, avec des questions-réponses. Ça s’appelait les Green Books, parce que c’était des documents à couverture verte, qui faisaient plusieurs centaines de pages, de questions-réponses, avec une évaluation pour savoir si les fondamentaux étaient acquis, avec des outils de formation à l’époque d’ailleurs très modernes :  vidéos, des mises en situation vidéos, des jeux interactifs sur « comment se comporter avec un collègue ou une collègue, avec un client, avec des partenaires, selon qu’on a ou pas de rapport hiérarchique avec la personne, selon qu’on a ou pas de rapport économique ». Donc c’était quelque chose qui, me semble-t-il, continue encore aujourd’hui d’être assez, non pas exceptionnel, mais assez structuré par rapport à ce que pratiquent en moyenne les entreprises dans leur recrutement. Et c’est vrai que, dans le cadre de l’apprentissage de l’éthique dans le contexte professionnel, cette expérience-là que j’ai vécue a été assez déterminante pour la suite de ma carrière professionnelle. Je m’en suis rendu compte en passant ensuite dans d’autres instances professionnelles, publiques comme privées d’ailleurs, mais toujours plutôt françaises, où des environnements dans lesquels bien sûr l’éthique régnait, mais en tous cas les choses n’étaient pas intellectualisées et structurées avec une méthodologie extrêmement contraignante.  

Quelles rencontres ont influencé votre propre éthique ?

Dans les deux mondes professionnels que j’ai connus, celui du secteur privé et celui du secteur public, j’ai eu la chance de faire des rencontres, et notamment d’avoir des patrons qui étaient des gens exemplaires au plan de l’éthique. Et pour revenir encore une fois sur la question que vous posez à propos du monde politique, si je prends simplement les deux expériences que j’ai eues, le député pour lequel j’ai été assistant parlementaire, qui s’appelle Gérard Fuchs, et le premier ministre que j’ai servi, qui s’appelle Lionel Jospin, sont deux personnalité qui, pour ma part et je ne suis pas le seul à le dire, pour tous ceux qui les connaissent, ont été particulièrement exemplaires au plan de l’éthique et qui avaient une manière, dans le traitement des dossiers qu’on leur soumettait, comme dans leur comportement individuel d’ailleurs, de prêcher par l’exemple. L’exemple vient d’abord de son propre comportement.

Et je pourrais en dire autant pour mes expériences dans le secteur privé, mais l’expérience administrative que j’ai faite, qui a été assez courte, puisque j’ai travaillé deux ans pour un organisme qui existe toujours d’ailleurs, même s’il a changé de nom, qui est un peu le think tank de l’État, qui s’appelait à l’époque le Commissariat général au Plan, a été de la même nature. J’avais un chef de service, quand je faisais partie d’un service,  qui était un homme tout à fait exemplaire au plan éthique. Et ça, ces exemples-là ont été importants.

Comme quoi entre l’expérience familiale et la formation qu’on peut recevoir, beaucoup peut vous être donné au plan éthique, mais c’est quand même la confrontation à des exemples ou à des contre-exemples qui, je crois, détermine la manière dont chacun d’entre nous construit son rapport à l’éthique. Le reste reste sinon sur un plan assez abstrait.  

Entretien réalisé le 29 août 2016

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