Juan-David Nasio – intuition et thérapie

Transcription de la vidéo

Vous êtes à la fois très rationnel et très intuitif. Quelle est la place de l’intuition dans votre thérapie ?  

Mon inconscient… – mon intuition, si vous voulez –, est devenu très percepteur, très aiguisé et très sensible, très intuitif. Je pige de plus en plus vite, de plus en plus rapidement en regardant le visage des gens, en regardant la posture. Ça déjà tout de suite j’ai une idée, et c’est pour ça que les bons professionnels – je ne suis pas le seul, il y en a d’autres comme moi – qui ont beaucoup d’années d’expérience et qui effectivement, immédiatement, pigent. Ils pigent très vite ce qui anime un être et peut le sentir en lui, même si l’être ne le sent pas dans l’actualité. Je pense que ce n’est pas utopique.

D’où vous vient cette intuition ?

L’intuition, c’est mon inconscient, je le considère. On l’appelle intuition, mais moi je l’appelle l’inconscient instrumental, car je considère qu’un professionnel a un inconscient qui est à lui, qui est son inconscient, mais c’est un inconscient instrumental, un inconscient professionnel. Ce n’est pas son inconscient quotidien. Ce n’est pas l’inconscient de ses rêves, c’est l’inconscient qui lui sert pour travailler. Et cet inconscient instrumental prend la forme  de l’intuition. Qu’est-ce que l’intuition ? L’intuition c’est de saisir une vérité avec très peu d’indices. Très peu d’indices et cependant en peu de temps et d’une façon fulgurante, parce qu’elle se présente toujours de façon fulgurante, le percepteur, le sujet, le professionnel perçoit, saisit une vérité. Voilà ce qu’est l’intuition.

Alors cette intuition, je crois que c’est comme le talent : il y a le talent, mais il y a le travail ; donc il y a les deux. Je pense que l’intuition doit être chez le sujet déjà un élément certainement inné, mais il faut beaucoup travailler. Je pense que mon intuition d’aujourd’hui, en 2011, ne serait pas aussi aiguisée qu’elle l’est si je n’avais pas travaillé, le travail avec mes patients. Je dis toujours : il faut la pratique, ça veut dire l’observation. Il y a quelqu’un qui me dit : « Mais comment vous le savez ? » Mais écoutez ! Quand vous écoutez une fois, deux fois, cinq, dix, vingt, trente, quarante, cinquante, cent fois la même chose, il faut être un peu aveugle pour ne pas saisir une situation qui se présente chez les êtres humains.

Et petit à petit je me sens comme Columbo. Moi, mon idéal... si vous me demandiez une dernière question : « Dr Nasio, quel est votre modèle idéal ? Einstein ? Freud ? etc.? » Mon modèle c’est Columbo. Je trouve que Columbo c’est  formidable, tranquille, il va un peu mal habillé. Alors là je me distingue, parce que j’essaye toujours d’être impeccable. Lui non, il va avec son imperméable, décoiffé et tant bien que mal, soudain, petit à petit, on ne sait pas très bien s’il a pigé ou pas, et tac! il touche le point central de l’autre. Moi c’est Columbo pour toucher le point central de l’autre qui permet de le soulager. Voilà.

Entretien réalisé le 8 mai 2011

Les commentaires sont fermés.