René Frydman – éthique et transmission

Transcription de la vidéo

Pensez-vous que l’éthique – éthique médicale ou éthique en général – puisse s’enseigner, et si oui, comment ?

Oui, je pense que l’éthique en général fait partie de l’éducation et de la formation. Elle doit donc être intégrée, et il faut lui donner une place importante dans la formation, dans l’éducation. Nous en parlions et ce n’est pas tout à fait ça, mais on y touche quand même : l’instruction civique, une instruction civique et éthique.

Sur le plan médical, l’éthique s’intègre progressivement un peu dans le corpus de l’enseignement, mais je pense qu’il faut qu’elle reste un enseignement à part. C’est-à-dire qu’il y ait des chaires d’enseignement et de recherche, en dehors de cela, qui nécessitent un investissement, un travail. Le travail des anciens DEA, des masters, me semble effectivement très intéressant. Mais en même temps il ne faut pas que cela ne reste que là et que ça soit une espèce de conscience générale, alors que le reste n’en ferait pas  et qu’il n’y ait que dix étudiants qui en fassent. On voit bien que dans les différentes spécialités il y a tout de même toujours des sessions éthiques, même dans les congrès scientifiques, par exemple ceux qui sont sur la procréation médicalement assistée.

Ne pourrions-nous pas transposer ce modèle de transmission ouverte, non dogmatique de l’éthique médicale, à l’éducation éthique des jeunes ? Comment voyez-vous cela ?

Il faut partir de situations concrètes, il faut faire de l’éthique pratique, un peu comme on l’a fait en médecine, mais le faire dans d’autres domaines. Il faut partir de situations concrètes avec les jeunes, ou telle ou telle catégorie, et il faut qu’il y ait un éclaireur qui, lui, est chargé de déceler l’approche éthique.

Je reviens à la médecine juste un instant. C’est vrai que même dans notre groupe, nous avons mis du temps, par exemple, à aller chercher le docteur Atlan, qui est responsable de cette consultation, pour résoudre un certain nombre de problèmes. Les gens n’avaient pas intégré qu’on pouvait « avoir recours », et donc faire participer différents staffs. Cet éclairage-là a pris du temps, et il n’est jamais gagné ad vitam, par rapport à une décision « j’opère, j’enlève la tumeur, je n’opère pas ? » qui est le pain quotidien.

Je pense que pour les jeunes c’est pareil, par rapport au respect garçon-fille, pour prendre toutes les thématiques des jeunes, par rapport à la vie – sexualité /pas sexualité, grossesse/pas grossesse –, enfin, des choses comme ça. Il faut partir d’une éthique pratique et en même temps avoir un corpus d’enseignement que l’on veut faire passer. C’est plus une façon qu’autre chose et c’est très important.

Et à partir de ces cas pratiques, les faire réfléchir plutôt qu’imposer ?

Oui, voilà, exactement. Par exemple, on va faire le jubilé de l’Assistance Publique et nous avons été choisis pour l’histoire de la procréation médicalement assistée. Il y a trois classes qui viennent et on va discuter « éthique ». Ces trois classes de terminales des lycées avoisinants auront préparé, avec leurs profs, des questions autour de l’ensemble de cette intervention médicale sur la procréation, auxquelles nous allons répondre et discuter. Je pense qu’il faut ce genre de situations.

Entretien réalisé le 14 mai 2008

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