Isabelle Giordano – éthique et vie professionnelle

Transcription de la vidéo

Dans vos enquêtes journalistiques, notamment par l’internet, comment vous assurez-vous de l’authenticité de l’information et du respect de l’éthique ?

La première chose à faire est de ne pas croire tout ce qu’il y a sur internet et multiplier les sources d’information, encore plus qu'auparavant. J’ai l’impression qu’il y a quinze ans, ou vingt ans, quand j’ai démarré, on se contentait de lire quelques articles. Le Monde était tout puissant, on faisait une enquête, on interviewait une dizaine de personnes et hop ! c’était bouclé. J’ai l’impression qu’aujourd’hui il faut multiplier encore plus les sources d’information sur un dossier sensible. Par exemple, je continue à propos du téléphone portable, parce que c’est devenu un outil de la vie quotidienne. Est-ce que c’est dangereux ou pas ? Est-ce que le téléphone portable peut provoquer des cancers à long terme ou pas ? Batailles d’experts. On a neuf chercheurs sur dix qui nous disent que ce n’est pas dangereux, mais parmi ces neuf il y en a plein qui sont payés par l’industrie. Mais pour la minorité qui nous dit que c’est dangereux, on ne sait pas, etc. C’est très compliqué. Donc il faut effectivement aller voir un maximum de personnes qui ont accès aux informations, qu’elles soient en France ou à l’étranger, et il faut essayer de recouper les informations. L’avantage aussi, quand on est journaliste, c’est qu’on n’est pas toujours là pour donner des réponses : on est souvent là pour faire réfléchir les gens. Donc c’est peut-être plus facile, parce que nous ne sommes pas des experts scientifiques non plus. Peut-être que notre rôle, notre manière de nous comporter éthiquement, c’est d’ouvrir le débat et surtout d’essayer d’allumer cette petite lumière dans la tête des gens pour qu’ils puissent réfléchir et se poser des questions.

Dans votre métier de journaliste, pourriez-vous définir votre éthique d’intervieweuse ?

Je ne sais pas si, quand on interviewe quelqu’un, l’éthique est présente ou pas. En tout cas la base de l’interview c’est le respect et l’écoute. Peut-être que c’est une partie de l’éthique. Respecter la personne qu’on a en face de soi, on le sait. Il y a tous ceux qui ont interviewé même des gens avec qui ils ne partagent pas les opinions politiques. Si on interview des gens d’extrême gauche ou d’extrême droite, je pense qu’on peut d’abord les respecter. Écouter, c’est la base du journalisme : avant de poser les questions il faut d’abord écouter. C’est le B.A. BA., c’est bien de le rappeler ! Observer, écouter. Après il faut bien sûr, si le débat le permet, contre-argumenter, proposer, contre-attaquer, voire attaquer la personne, en la respectant là encore. Mais je pense qu’effectivement s’adresser à quelqu’un, le regarder dans les yeux, l’écouter et dialoguer… Le dialogue, l'échange, j’adore mon métier et je trouve que c’est formidable. Alors est-ce que c’est éthique ou pas ? Peut-être, mais en tout cas c’est très humain, il y a une forme d’humanisme dans le journalisme.

Entretien réalisé le 30 septembre 2008

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