François Chilowicz – maîtrise de soi

Transcription de la vidéo

Qu’est-ce qui vous permet de vous ressaisir lorsque vous vous sentez dans une émotion ou un comportement non éthique ?

Non, je crois que, je ne sais pas, mais je pense que de temps en temps on reçoit des signaux. Si à un moment donné je me sens en colère, pendant un petit bout de temps je vais la subir, ma colère, parce que ça va bouillir au fond de moi et ça va être désagréable pour moi, donc je l’attribue à l’autre, parce qu’il m’a foutu en colère. Mais enfin bon… quoique l’autre ait fait, le fait que je moi sois en colère, c’est moi qui recode ça en colère. À un moment donné je me dis que si je suis en colère, c’est que je suis en contradiction, j’ai perdu la cohérence. Ça veut dire que je n’ai pas répondu ; mon précédent interlocuteur et moi on ne s’est pas parlé au même niveau, donc on ne s’est pas compris. Donc c’est savoir… Quand je dis c’est la remise en question de tous les jours, c’est justement ça. C’est ces petites colères qu’on a les uns les autres tout le temps, et souvent on vit avec et on ne les modifie pas, on ne se remet pas en question, ça va bien. Et bien c’est savoir s’arrêter sur chacune d’entre elles en disant : « Est-ce que je n’ai pas une contradiction moi-même ? un manque de cohérence, qui fait que du coup je suis en colère ? ». Je l’attribue à l’autre, je l’attribue à moi, à partir du moment où il y a de la colère ça n’a plus d’importance. C’est « Pourquoi je suis en colère ? », c’est-à-dire « pourquoi je suis en porte-à-faux ? » Donc « se ressaisir », entre guillemets, dans son rapport éthique, dans son rapport à l’autre c’est analyser toutes ces petites choses. Je dis qu’en plus ce n’est pas un devoir moral. Moi je trouve qu’avoir un comportement éthique, ça donne du sens à une vie. C’est toujours pareil : je restitue la leçon de cohérence. Donc la seule raison, c’est passionnant dans la vie, mais ce n’est pas un devoir moral. La morale, je suis très, très sceptique, très dubitatif, on va dire. Mais en tous cas, chaque fois qu’il y a un…. « Si quelqu’un m’a répondu comme ça, c’est pas pour rien. Qu’est-ce qui s’est passé ? Si untel s’est fait ça, s’il ne s’est pas fait ça. Si j’ai mal à tel endroit, si je ne trouve pas la solution, si j’ai fait ça, il s’est passé quelque chose qui..., c’est que ça n’a pas marché quelque part. »   Je peux me faire une idée de ce qui n’a pas marché chez l’autre, certes, et j’ai plutôt intérêt, mais par contre je dois me faire une idée de ce qui n’a pas marché chez moi, parce que ça, par contre, je peux le résoudre, éventuellement.

Avez-vous eu à subir la jalousie des autres ? Comment avez-vous géré la situation ?

C’est leur problème. Les gens qui me jalouseraient, si tant est qu’il y aurait des gens qui me jalouseraient, c’est leur problème, ce n’est pas le mien. Dans la mesure, charge à moi, d’avoir un comportement pas ostentatoire. Quand je travaille au Mirail, il se trouve que je ne me déplace pas en voiture, mais en moto, parce que je n’aime pas les voitures. J’ai une moto qui est un tout petit peu plus jolie que les leurs, parce que je ne suis pas de leur milieu social. Je la gare discrètement et puis je ne l’ai pas prise toute neuve. Enfin, il y a des choses auxquelles je fais attention par respect des autres. Mais la jalousie c’est quelque chose, pour moi c’est un des sentiments les plus vilains, les plus stupides qui existe. Je n’en ai jamais éprouvé. Pour moi c’est vraiment…, être jaloux c’est renoncer à sa dignité, quelque part. C’est vraiment une perte de dignité. Il m’est arrivé d’être envieux, c’est-à-dire : « Oui, p..., il a eu de gros budget des chaînes pour faire des gros films, et moi je rame encore pour faire mon film ! », je suis un peu envieux, quand même de pas y arriver et puis je me dis : « Si je n’y arrive pas et que lui y arrive, c’est que je m’y suis mal pris, ou qu’il a fait des choses que je n’ai pas faites. » Je peux être envieux, je ne suis jamais jaloux, même en amour. Pour moi c’est vraiment un effondrement de la dignité, c’est la fin. Être jaloux, c’est cesser d’aimer, c’est nier l’autre, c’est pareil. Et quand on est jaloux de moi, je ne le vois pas. Et je m’en fous, c’est leur problème, sachant que moi mon comportement doit rester constant. Si je sens l’autre blessé, par contre, et qu’il me le fait comprendre, j’irai voir avec lui, si ça peut se faire : « Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Entretien réalisé le 20 janvier 2015

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