Claire Nihoul-Fékété – transmission de l’éthique

Transcription de la vidéo

Est-ce que la pratique de l’éthique est quelque chose qui peut s’enseigner ou se transmettre et si oui, comment ?

C’est évident, pour moi c’est évident ! Il ne m’apparaît pas qu’on puisse faire l’éthique et puis, une fois qu’on a fini, laisser les choses en état et tout doit être recommencé. Alors, comment ? Un cours d’éthique, c’est très ennuyeux. Alors je crois, mais je donne une réponse qui concerne ce que j’ai fait comme travail et il y a sûrement plein d’autres choses. Je crois beaucoup au cas ; c’est un mot médical, mais c’est un mot aussi…, au cas !

Par exemple, prenons cette intervention très mutilante et le refus, nous venons de le vivre, le refus de l’adolescent et des parents de cette intervention mutilante, alors qu’il va mourir si on ne l’opère pas ! Donc, pour le médecin, c’est très difficile d’accepter ça ! Ça a été long, on a fait venir des tas de consultants, en cancer puisque c’est un cancer, en appareillage, pour dire à l’adolescent, à sa mère et à nous-mêmes : « Voilà, je serai capable de l’appareiller. » Il fallait lui enlever tout le membre à l’intérieur et la moitié du bassin ! « Je serai capable de l’appareiller, il pourra trois ou quatre heures par jour être autonome, mais son appareillage est lourd. » Une fois que tout ça est fait et que la volonté reste ferme de refuser l’opération qui assure, pas cent pour cent  mais un bon pourcentage de survie, il faut l’écrire: que nous finissons par accepter que ce jeune-homme retourne chez lui, mourir chez lui, que nous nous sommes bien assurés qu’il sait ce qui l' attend, que c’est un choix vraiment informé. Il faut tout de suite l’écrire: pourquoi, qui on a demandé, et à ce moment-là, untel a dit ça, et voilà, et finalement, nous avons, etc.

Je pense que cet enseignement-là est formidable et j'ai maintenant un certain nombre de cas et j’y retourne. Je me dis : « Tiens, c’est un petit peu comme il y a trois ans, on a eu un cas qui... Alors, comment on a réfléchi ? Ah ! On a fait ça. Mais maintenant, ça semblerait un petit peu dépassé déjà, deux ou trois ans, mais on va tout de même reprendre cet argument, etc. » Et je pense que si on avait des situations éthiques difficiles, le pourquoi, le comment, l’opposant, le proposeur, etc., bien rédigé, très clairement rédigé, tout de suite après, très propre, très net..., ça, c’est un enseignement formidable. Dans un hôpital comme celui-là, nous sommes un certain nombre à colliger comme ça et à le tenir à la disposition de nos collègues, de façon à ce qu’ils aient des guides. Et puis, tout de même, tout ce que nous voulons  dire, si c’est bien dit, si c’est dit de façon claire avec quelques exemples, ça peut faire un cour d’éthique, tout de même. Je pense que c’est très important, très  important !

Peut-on généraliser à votre avis cette approche de la transmission d’une éthique médicale à tout type de contexte?

Je pense qu’on peut parfaitement écrire..., je ne sais pas... Prenons l’exemple d’un magasin qui flambe là, puisqu’il y en a eu… et où les gens, c’est sauve qui peut, chacun pour soi, personne ne s’aide, etc. Bon, simplement, si chacun avait dit : « Bon, je vais me sauver, mais je peux peut-être en me sauvant en sauver un ou deux, etc. » Voilà... Colliger , mais de façon… Je sais pas s’il faut faire des BD, puisque maintenant il faut faire des BD de tout, mais décrire des situations où il y a un comportement juste et un comportement limite injuste, mais qui est le comportement inné ! Sauve qui peut, c’est le comportement inné, il n’est pas mauvais, il n’est pas méchant, il est inné. Mais il faut qu’on fasse un petit retrait et se dire: « Bon, je peux peut-être faire mieux que de me sauver moi-même toute seule. Au moins en sauver un ! »

Si, je pense que pour tout, des exemples de quotidien… Et puis surtout, apprendre aux gens la tolérance. C’est un mot galvaudé, mais je veux dire que tous, spontanément, nous sommes nés racistes. Dire qu’on n’est pas raciste, bon... Dire qu’on a fait un travail sur son racisme, oui. Par exemple, pour prendre le cas des races, on peut faire  des exemples de réactions spontanées.

Et puis je vais vous dire: quand je relis les anciens cas que nous avons mis par écrit – j’avais à l’époque un collaborateur qui écrivait bien –, on pourrait enlever les mots médicaux. Par exemple, il écrit: « À ce moment-là l’hésitation vient, car l’examen sur lequel nous nous basons n’est peut-être pas très fiable... » On peut faire ça dans un budget. On a décidé qu’on va sanctionner les salaires, parce que, etc. Est-ce qu’on a vraiment bien regardé, est-ce qu’on ne peut pas donner une petite augmentation de salaire?  En fait, à mon avis, un raisonnement d’éthique n’est pas très spécifique. Si vous enlevez les mots de notre jargon médical... Sur le racisme, je pense qu’on peut vraiment faire un enseignement: comment combattre son propre racisme? Enfin, un truc comme ça. Nous sommes tous nés racistes, mais comment on peut combattre son propre racisme. Je prends un exemple comme ça.

Entretien réalisé le 28 décembre 2007

 

 

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