Christian Charrière-Bournazel – sensibilisation à l’éthique

Transcription de la vidéo

Qu’est-ce qui vous a sensibilisé à l’éthique ?

Vous me renvoyez là à une question que j’avais posée à l’âge de quinze ans à mon propre père. Mon père était avocat lui-même, un superbe avocat qui exerçait en province. Et à l’âge où on a besoin de s’affranchir un peu de la tutelle paternelle, d’autant que je me sentais un peu voué par imitation à un métier que je fais finalement avec beaucoup de cœur et beaucoup de joie, je lui avais dit : « Tu fais un métier amoral. » Il me dit : « Ah bon, pourquoi ? » C’est une question assez méchante, puisque mon père faisait un métier avec beaucoup de conscience, élevant six enfants et se donnant à beaucoup de gens à titre gratuit, et je lui avais répondu : « Oui, il est amoral parce que tu consacres ton temps, ton talent, ton énergie, ta science du droit, à soutenir que Paul a raison parce qu’il est venu t’apporter son argent le premier, mais tu aurais soutenu le contraire si c’était Pierre qui était venu d’abord. » Il m’a regardé avec beaucoup de profondeur en me disant : « C’est une façon de voir les choses, il faudra qu’on en reparle. »

Malheureusement, mon père est mort trop tôt, mais la question que je lui avais posée est restée suspendue au-dessus de ma tête, au-dessus de ma vie professionnelle, et il s’en évince deux principes pour moi. Le premier, c’est que défendre n’est pas équivalent de se complaire dans la faute de l’autre ou dans ses erreurs ; on garde une distance, une indépendance, et je dois pouvoir dire à celui qui se confie à vous qu’il a tort. La deuxième, c’est que jamais mon métier ne doit consister à faire porter le poids de l’injustice sur l’autre, celui que vous appeliez l’adversaire.

Entretien réalisé le 21 février 2011

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