Christian Charrière-Bournazel – justice et culpabilité

Transcription de la vidéo

Vous arrive t-il de défendre des clients pour lesquels vous acquérez la certitude qu’ils sont coupables, immédiatement ou au cours de la procédure?

Que veut dire coupable ? D’abord, vous savez, quand on voit un client qui est accusé d’un crime et qui est en prison en attendant d’être jugé, on est la première personne qui, sous la foi du secret professionnel, cherche à comprendre et à savoir. Et donc sans être le magistrat instructeur de son client, on est son avocat, on est quand même l’enquêteur affuté qui cherche à savoir. Et lorsque le client ou la cliente vous dit : « Maître ce n’est pas moi, je ne l’ai pas fait », vous lui opposez des éléments du dossier qui sont des éléments à charge, pour lui demander comment il ou elle les combat, comment on peut ne pas croire que ce serait une preuve. Et c’est parce que l’on a acquis la conviction au moins du doute, que l’on peut, vis-à-vis des juges, dire : « Vous n’avez pas la preuve ! » Et aussi longtemps que cette personne nie et que vous n’administrez pas la preuve, elle ne peut pas être condamnée en vertu de la maxime selon laquelle « Il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent condamné. »

Ensuite, il y a cette autre question dans la vôtre : qu’est-ce qu’être coupable ? Et là, c’est tout le mystère de l’âme humaine, et tout l’enjeu de la défense. Car ce qui est jugé n’est pas simplement un acte ; si c’est un acte, un tarif en face de l’acte et une machine pour juger. Mais ce que les juges jugent, c’est en réalité l’implication de la personne dans l’acte qui lui est reproché. Où a été sa liberté ? Qu’a-t-elle réellement voulu, a-t-elle réellement mesuré ? Est- ce un être libre ?

Nous sommes en face de personnes humaines qui vont juger une autre personne humaine, et il faut à la fois éveiller la conscience de celui qui juge en lui rappelant, avec précaution, qu’il n’est certainement pas infaillible et qu’il n’y a pas d’un côté un univers des saints et de l’autre des damnés, et que cette personne qui est en face de lui et qu’il va juger a une dimension, une histoire et une sorte de mystère qui doivent être pris en compte au moment où l’on juge.

Entretien réalisé le 21 février 2011

Les commentaires sont fermés.