Christian Boiron – éthique et connaissance de soi

Transcription de la vidéo

Le travail éthique étant un travail de connaissance de soi, comment le mener de manière méthodique ?

La méthode, on pourrait dire les méthodes, vont rejoindre un peu celles que j’exprime dans mon bouquin, puisque la deuxième partie c’est Le chemin du bonheur et on pourrait l’appeler Le chemin vers l’éthique. C’est un peu la même chose, puisqu’il y a tout un chapitre sur le silence. Le silence permet de se trouver, de trouver cette richesse qu’il y a à l’intérieur de soi, donc de mieux se connaître.

La confrontation à la mort, la confrontation à la peur de la mort, pas la confrontation à la mort : nous sommes structurés avec au centre de cette structure notre peur de la mort, qui est fondamentale pour la survie de l’espèce. Si nous n’avions pas peur de la mort, notre espèce n’aurait pas survécu. Cette peur de la mort nous structure aussi en évitement par rapport à toutes les choses qui touchent la mort, et cet évitement crée beaucoup de troubles. Pour éviter ces troubles, il est bon de se confronter au moins chaque jour à notre peur de la mort, c'est-à-dire la toucher. En disant : « Bon, OK, j’ai peur de la mort, d’accord, OK.» Moi je ne dis pas comme certains : « Mais non, je n’ai pas peur de la mort !» Mais si, tout le monde a peur de la mort, c’est structurel. On l’a tous plus ou moins. « Mais je n’ai pas peur de la mort, j’ai peur de vieillir. » D’accord, OK, mais la vieillesse c’est quoi ? C’est une mort progressive, une perte de fonction, etc. Il faut y travailler.

La confrontation avec la peur de la mort. La confrontation avec la réflexion sur la notion de sentiment de culpabilité, qui n’est jamais pertinent et qui structure beaucoup tous nos problèmes de relation avec la société en général. La revisitation de la notion d’amour, il y a différents types d’amour en fonction des différents types de cerveaux, qui font bien des difficultés. L’art, l’importance de l’art. L’art est une des clés de l’authenticité, c'est-à-dire que si je veux me connaître, il va falloir que je passe par des astuces, et l’art est une astuce. Quand je me mets face à une toile à peindre, et que j’essaie de ne pas reproduire quelque chose, ni une technique ni quoi que ce soit, et que j’essaie de me débrancher par rapport à « ce que je veux faire, c’est ça » mais que je laisse s’exprimer en moi ce qui vient, ça, c’est une technique qui va me permettre progressivement de découvrir, d’observer ce qui est au fond de moi.

Ensuite, il y a des groupes, des groupes de travail qui favorisent plus ou moins l’expression de soi, etc. Donc tous les moyens, les lectures, les livres, des bons films, des émissions de télé, des expositions, tout cela peut nourrir plus ou moins. Parce que si je les fais, si je les vois, si je fais tout cela dans une optique de me conforter dans un conditionnement préalable, bien sûr cela ne va pas me découvrir moi-même. Si au contraire je vais vers ce qui me choque, je vais vers ce qui m’irrite, je vais vers… pour découvrir ce qu’il y a derrière ce choc, vers cette irritation, plutôt que d’aller uniquement vers ce que j’aime – ce qui n’est pas antipathique, il ne faut pas être maso, mais ce qui ne va pas forcément m’apporter grand-chose. Cela va m’apporter une nourriture, c’est comme quand j’ai faim je mange, OK, d’accord, cela ne va pas m’apporter une connaissance de moi. Si par exemple j’essaie de faire un jeûne pendant trois jours, ça ne va pas être très agréable pendant quelque temps, mais je vais découvrir quelque chose en moi qui va être… Donc, faire des expériences, aller avec des gens avec lesquels on n’a pas l’habitude d’aller, ça c’est ce qu’on fait quelquefois dans des groupes qui sont faits pour ça : aller dans le désert pendant quinze jours, etc., tout cela c’est favorable.

Ensuite, où est-ce que tout cela peut nous mener ? J’ai coutume de dire à certains qui me posent la question – ou qui ne me posent pas la question mais qui partagent un petit peu leur anxiété par rapport à un nouveau travail, par exemple – , je leur dis : « Ne vous inquiétez pas, quelle que soit la façon dont vous entrez dans la vie professionnelle, tous les chemins mènent à soi. » Et je le crois profondément. Si je voulais faire de l’architecture et que je suis rentré dans l’hôtellerie, ce n’est pas grave, un de ces jours je vais me retrouver confronté à ce que j’avais envie de créer à travers à l’architecture et réciproquement.

Donc le travail de connaissance de soi va vers le bonheur, et le bonheur est contagieux, contrairement au plaisir. Nous sommes dans un cercle vertueux : la société va inéluctablement vers son bonheur de plus en plus. La société du monde est de plus en plus heureuse et elle va être de plus en plus heureuse. Alors à la fin il y a quoi au niveau de l’individu et au niveau de la société ? Je n’en ai aucune idée, et cela ne me pose pas de problème particulier, parce que je me dis que plus je vais vers une optimisation de la connaissance et surtout de l’expression de ma personnalité profonde, plus je participe à un dessein du monde que je sens profondément comme vertueux. Et comme je n’ai pas le goût pour la perfection, qui serait un conditionnement, mais que j’ai plus le goût d’être juste, il me suffit de sentir cette justesse en moi, cette justesse faite d’acceptation de mes imperfections et de chemin vers un meilleur quotidien, c'est-à-dire une meilleure conscience, une meilleure expression, un meilleur épanouissement interne, au fur et à mesure du temps.

Entretien réalisé le 11 décembre 2007

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