Catherine Enjolet – pouvoir

Transcription de la vidéo

Quel est votre rapport au pouvoir ?

Non, il ne me plaît pas tellement, ce mot. Parce que je n’ai pas envie d’avoir… Souvent quand on emploie le mot pouvoir, c’est un pouvoir sur les autres et le pouvoir sur les autres ne m’intéresse nullement. Le seul qui m’intéresse c’est le pouvoir sur moi-même et donc, quand je suis entourée de ceux qui recherchent un pouvoir sur les autres, je ressens tellement l’absence de pouvoir sur eux-mêmes ! Et je ressens tellement, notamment dans la vie politique, dans ces personnages parfois qui sont à la tête de l’État, je ressens tellement l’absence de pouvoir sur eux-mêmes, et que plus il y a cette recherche, plus il y a parfois ce surdimensionnement du pouvoir sur l’autre, plus j’entends et plus je sens la dépossession de pouvoir sur soi-même, et donc quelque chose d’humainement assez douloureux. Je l’entends, je le ressens, y compris pour ceux qu’on appelle les grands de ce monde, que je ressens tout petits parfois sous une forme de construction intérieure.

Comment supportez-vous le fait que, dans notre société, l’avoir a pris le pouvoir sur l’être ?

C’est la raison pour laquelle j’ai choisi une action. Par exemple j’ai créé mon ONG en même temps que Coluche créait Les restos alimentaires, et je me disais que je serais bien incapable de gérer ça, parce que là-dedans il y a de la matérialité : il faut de l’argent pour nourrir. Moi la seule chose que je saurais offrir, c’est la nourriture affective, parce que celle-là elle n’est pas liée à l’argent, parce que je suis incapable de gérer toutes ces notions financières. Donc je ne suis pas du tout à l’aise, je ne sais pas faire avec l’argent. C’est la raison aussi pour laquelle je ne pouvais pas envisager, quand j’ai créé cette association, d’être salariée, parce qu’il fallait, comme je le concevais, être absolument bénévole et c’est la raison pour laquelle j’avais un autre métier à côté. Probablement parce que je le vis un petit peu comme quelque chose qui entrave, qui m’entrave. Je sais qu’il y a probablement à travailler là-dessus, mais je me sens tellement plus libre avec cette nourriture affective, alors que je sais que je n’aurais pas su gérer les Restos du Cœur, par exemple. Ça c’est peut-être une inaptitude probablement qui est la mienne.

Entretien réalisé le 8 avril 2016

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