Anne Baudart – valeurs éthiques

Transcription de la vidéo

Ces valeurs, selon vous, quelle en est la source ? Est-ce seulement quelque chose que la société nous a inculqué et qui est rentré, comme on dit, dans l’inconscient collectif ?

D’où viennent les valeurs ? C’est ça la question. C’est une grande question ! Quand vous dites « la société », la société c’est peut-être un petit peu trop large. Quand vous dites « l’inconscient collectif », c’est extrêmement précis et technique. La notion d’inconscient collectif, qu’on y adhère ou qu’on n’y adhère pas, je crois que ce n’est pas le problème. Je crois qu’on a hérité les uns les autres, vous comme moi, d’un ensemble de valeurs occidentales – je vais employer un mot lourd, genre « judéo-chrétien » – qui nous façonnent et qui nous structurent, qu’on le veuille ou non. Et ça donnerait raison à la notion d’inconscient collectif, qui est l’une de nos structurations. Je ne suis pas une adepte nécessairement de ceux qui ont conçu cette notion-là, mais elle a du bon. Il y aussi un inconscient micro-collectif, qui est l’inconscient que nous avons forgé dans le milieu parental dans lequel nous évoluons.

Je pense que vous avez une mixité d’influences – le vecteur famille, le vecteur culture, mais c’est trop large – qui nous façonnent. Quand j’ai dit justice naturelle, je savais très bien que vous alliez rebondir. C’est vrai que je m’entends le dire et je le maintiens quand même : c’est-à-dire comme si quelque chose s’était réveillé dans les comportements qui actualisait quand même un sentiment, peut-être d’équité.

Donc nous sommes tous là pour vivre et mourir, certes, mais nous sommes tous là aussi peut-être pour nous aider les uns les autres ; alors, paramètre religieux possible, laïcisé, pourquoi pas ? J’ai assez écrit là-dessus… Donc les valeurs religieuses, devenues laïques ou non pour certains d’entre nous, sont aussi à la source de cette conception d’une justice ou d’un modèle de justice que nous pouvons avoir.

Quand Michel Serre dit justement la phrase que je citais mal, mais c’était l’idée : « Le concept d’éthique est étriqué si on ne fait pas de l’éthique une morale profonde, qui s’enracine dans un sol qui est fondé sur les valeurs » — comme l’ontologie le dit d’une façon un peu compliquée –, mais je suis complètement d’accord.  Alors, transcendance des valeurs ? Question. Immanence des valeurs ? Question. Mais peu importe, cette transcendance nous l’avons peut-être intériorisée et elle est nôtre aujourd’hui, me semble-t-il. On l’expérimente, ça, dans l’enseignement : il y a un minimum sur quoi on va s’entendre. C’est ce minimum-là qui m’intéresse en terme d’éthique et pour moi c’est un maximum, ce minimum : ce devoir d’entraide, ce devoir de faire en sorte que le plus grand nombre ait accès à la culture, et sans trop de difficultés.

Entretien réalisé le 16 novembre 2007

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