André de Peretti – rapport à la mort

Transcription de la vidéo

Pensez-vous qu’avoir un axe éthique dans sa vie change quelque chose dans son rapport à la mort ?

Là vous faites un problème sur lequel je suis un petit peu quotidiennement en réflexion, étant donné mon âge. Et, comment dirais-je ? la relation à la mort, dans ce que j'en vis, est, comment dirais-je ? adoucie par l’espérance spirituelle de ma foi. Et donc je vois la diminution de mes moyens, les mots qui m’échappent, bien d’autres choses : la difficulté à marcher, je n’ose plus prendre le métro tout seul, je n’ose pas… aller à un kilomètre, pas plus. Je n’ose plus prendre l’avion. Je suis donc diminué et en même temps, je suis, comment dirais-je ? poussé à la bonne humeur, je suis asticoté. Je suis, comment dirais-je ? ma foi, ma foi me permet dans mes essais de prière… Je ne sais pas si je prie, j’essaye, j’essaye. Bon, mais je me confie, je me confie et je me confie en même temps en relation avec tous les gens auxquels je pense, bien sûr toute ma famille, tous ceux que j’aime, mais aussi tous les événements, toutes les choses, je vis et je m’arrange comme ça. En particulier j’ai le moment du matin. Le matin je reste une heure et demie à essayer de prier en m’allongeant, après mon petit-déjeuner, avant de passer à la longueur de la toilette, longueur par la lenteur des gestes, par tout ce qu’il faut faire, par les pommades à mettre, par toutes les manières de s’intéresser à son corps, à ne pas le rejeter. J’ai constaté qu’on est parfois à côté de lui, parfois un petit peu loin de lui, parfois vraiment serré à lui, parfois en rouspétance avec lui. Donc il y a une variété de vécus, une variété existentielle, mais dans lequel, le sentiment que… Bien entendu, on espère.

Alors moi, mon espérance : je souhaiterais que ma mort soit la moins pesante pour ceux qui m’aime, pour ma femme en particulier, pour mes enfants en particulier, pour mes amis. Je voudrais que ma mort soit apaisante. Alors voilà, alors là je joue en disant : « Qu’est-ce que ça va être ? si ça n’est pas, tant pis », mais je voudrais, je souhaite en tous cas vivre, et donc je constitue la bonne humeur approximative de ma journée dans le sentiment que je pourrai… espère, je continue à vivre de l’idée que je pourrai avoir une mort apaisante. Voilà, c’est comme ça que je me débrouille avec l’inévitable qui se présente, mais aussi avec l’espérance qui est liée à ma foi.

Est-ce que cette espérance vous conduit à avoir une certaine représentation de l’après ?

Oui, je me fais…, à l’heure actuelle, j’essaye de réfléchir en me disant : « Qu’est-ce qui se passe ? » Alors, bien entendu, je me dis parfois : peut-être qu’au moment de la mort on est convoqué par les ange ; ils s’occupent un peu de vous en attendant que les choses se clarifient pour votre cas. Et puis j’essaye de me donner là encore des idées, des petites manières de simuler les choses, qui puissent me rendre ça convenable, pas trop osé, pas trop, comment dirais-je ? pas trop stupide, mais en même temps acceptant les possibilités. Et j’ai cessé donc de voir ce qui peut se passer.

Et en tout cas moi je l’ai écrit dans un grand poème que j’ai fait, qui est une cantate au cosmos, que j’avais adressée au pape Benoît XVI, quand il était encore pape et qui m’avait immédiatement répondu avec enthousiasme, félicitations et encouragements. Et donc dans cette ode au cosmos, cette joie au cosmos, c’était effectivement de penser qu’Éros et Agapè allaient se réconcilier, ce que disait ce pape, d’ailleurs, c’est pourquoi je lui montrais que je l’avais cité dans cette cantate.

Et d’autre part, comment dirais-je ? je trouve que c’est assez passionnant, que c’est quelque chose qui vous soutient. Ce qui veut dire que je vais avoir du temps pour compléter ce que je n’ai pas fait de bien, pour corriger ce que j’ai fait de nerveux, d’inexact, pour corriger les petites erreurs, pour compenser donc auprès de tous ceux que je vais pouvoir rencontrer et qui m’attendent et que j’attends. Voilà une manière dont j’essaye  de me disposer dans une vision : je ferai quelque chose, je ne serai pas nul.

Entretien réalisé le 3 février 2015

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