Alain Cugno – justice et droit

Transcription de la vidéo

Y-a-t-il eu dans votre parcours des influences qui ont contribué à cette élaboration de votre vie éthique ?

Il y a des lectures. Je compte parmi mes amis un certain nombre de philosophes et un certain nombre de livres fonctionnent selon le registre de l’amitié, et je crois que tous les livres que nous lisons, même les livres de littérature, pas seulement les traités de philosophie..., nous ne lisons jamais un roman que dans l’espoir d’être éveillé à la vraie vie. Quand Proust dit : « La vraie vie c’est la littérature », il dit quelque chose d’extrêmement profond. Donc oui, il y a des rencontres à travers des livres, à travers des personnes, et à travers, purement et simplement, des événements qui sont de tels éveils à la vie éthique, et qui sont des déplacements de règlements. Je crois qu’on a toujours tendance, étant donné qu’il était quand même très difficile de vivre, à se donner des principes, à se donner des règles, et je crois qu’on ne peut pas vivre si on ne se donne pas de règle. Mais en même temps, le grand art ce n’est pas de les suivre, c’est de les trahir, et de savoir à quel moment il faut les trahir. Je crois que ce sont des moments tout à fait fondamentaux. Jean de la Croix était célèbre dans son ordre pour, justement, la liberté qu’il prenait avec les règles très strictes de la vie des Carmes

Et pourtant le respect des règles est fondamental dans le cas d’une vie en société.

Le respect des règles est fondamental. Beaucoup plus que les règles il y a la loi, et nous vivons dans une époque… J’aime beaucoup notre époque, mais en même temps elle a des défauts, et elle a comme défaut principal de dériver à toute allure du côté d’une vie réglementée. C’est-à-dire que nous sommes continuellement passibles d’être en infraction. Même chez nous, à tout moment de notre vie, nous sommes contrôlés par des règlements. La loi c’est tout autre chose. La loi, ça n’est pas ce à quoi on obéit, contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est ce qu’on met entre nous. Il y a une donation de la loi fondamentale qui est : je mets quelque chose entre nous qui s’appelle la loi, et qui est de telle sorte que je peux vous faire confiance et que vous pouvez me faire confiance ; je ne vous agresserai pas. Alors je crois que c’est ça la loi. C’est bien sûr très proche du respect, mais on met ce malheureux respect à tellement de sauces ! On pourrait dire aussi, c’est ça la citoyenneté, mais on met le pauvre citoyen à tellement de sauces, que finalement il en vient à désigner non pas la citoyenneté et le respect, mais le respect des règlements, le conformisme. Et on a tendance actuellement à faire passer le conformisme le plus étroit pour le respect de la loi, ce qui est totalement différent.

Entretien réalisé le 16 octobre 2007

 

 

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