Jean-Claude Casadesus – caractères et vertus éthiques

Transcription de la vidéo

Quels sont les caractères éthiques, les vertus qui vous semblent avoir été les plus nécessaires dans votre vie ?

Je crois que cela se rapporte au verbe « aimer », tout simplement. Par exemple, j’ai très mauvais caractère quand on m’agresse, je suis très impulsif, je m’en veux de mes réactions parfois quelquefois extrêmement vives, mais je suis par nature compassionnel. Pas angélique, pas candide, mais je crois qu’un comportement, comme un morceau musical, peut complètement vous changer à l’instant même. Quelqu’un qui a eu une mauvaise réaction, et qui – moi en tête d’ailleurs –, ou le regrette ou est capable de s’excuser ou est capable de manifester son dépit devant une faille de sa personnalité, c’est quelque chose qui en effet est très émouvant, qui moi me touche. Mais ça passe par la possibilité d’autoriser des transgressions à l’autre. Ça passe par la tolérance, parce qu’on n’est pas toujours capable de maîtriser quand on est soi-même en cause ou en colère. Je crois qu’il faut être capable d’avoir une petite distance vis-à-vis de ce qui tout à coup vous saisit. C’est ça qui est le plus difficile. Mon métier me l’apprend tous les jours : d’arriver à distancier un petit peu la tentation de pulsions immédiates. L’impulsivité dirais-je. Mais ça aide aussi quelquefois pour franchir des obstacles. C’est comme le coup d’éperon dans le cheval qui doit franchir l’obstacle. Si on ne le fait pas trop méchamment, mais qu’on le fait avec suffisamment de volonté, vous êtes capable, ou pas, de franchir l’obstacle.

Je crois qu’il y a l’amour, la ténacité, le courage certainement, et puis il faut ajouter la modestie ; on n’en a jamais assez.

Avoir une éthique, ça aide à mieux gérer les épreuves de la vie ?

Je pense que la vie ne ménage personne. Il y a des moments bénis, il y a des moments douloureux, il y a des moments où tout d’un coup on prend une grosse fessée, et puis après le moment de révolte, si on a une capacité de réflexion, ça permet en effet d’aller plus loin. Comme disait Montaigne : « Aussi haut se croit-on, on n’est jamais assis que sur son derrière. » On peut toujours descendre de haut. Ça doit inciter non pas à l’amertume, ni à l’aigreur, mais au contraire à une sorte d’ouverture personnelle, une plus grande décontraction. Et je crois que les coups permettent d’avancer, sans masochisme judéo-chrétien. On ne les souhaite pas, mais je pense que tout accomplissement passe par des épreuves que la vie vous afflige et qu’on est capable de surmonter… ou pas.

Mais le regard à l’autre, c’est très important. Le strabisme sur son nombril, convergent, ça n’est pas générateur de développement personnel. Je crois qu’il y a toujours plus malheureux que soi, il y a toujours plus en attente, plus en appel. Je crois que mes parents m’ont enseigné cela, beaucoup. De se rappeler que soi-même on est très important, mais qu’il y a beaucoup plus grave à côté, ce qui permet d’oublier ses propres petits ennuis et ses propres petites frustrations. Quand on est capable, parce que ce n’est pas facile, capable de faire un chemin vers quelqu’un d’autre, d’aider. Il y a des moments où on ne peut pas, des moments où on se dit : « Je suis ridicule, il faut que je sorte de cet… » Enfin, il faut s’autoriser le droit à l’incompréhension aussi, cela fait partie de la nature humaine.

Entretien réalisé le 17 mars 2008

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